Le Canada accueille-t-il trop d’immigrants ? La question n’est plus aujourd’hui l’apanage des critiques du multiculturalisme, mais est de plus en plus soulevée en raison de la crise du logement et de l’insuffisance perçue des infrastructures médicales, routières et autres pour servir une population canadienne en pleine croissance.

Longtemps considérée comme taboue, particulièrement au Canada anglais, cette question est aujourd’hui sur toutes les lèvres puisque la conjoncture actuelle lui a fait perdre son parfum xénophobe et raciste pour la recentrer sur des préoccupations économiques et de services publics.

Bien que les avis diffèrent quant à l’influence de l’immigration permanente et temporaire sur, par exemple, la disponibilité et les prix du logement, il nous faut tout de même prendre acte du fait que, pour une bonne partie de la population canadienne, notre question initiale a déjà une réponse claire et définitive. Un récent sondage de la firme Léger pour le compte du Journal de Montréal et du Journal de Québec indique que 42 % des Canadiens et 41 % des Québécois considèrent que les cibles d’immigration devraient être revues à la baisse. Sur les réseaux sociaux, la grogne est de plus en plus manifeste : un simple coup d’œil aux forums « r/canada » (1,9 million de membres) et « r/canadahousing » (157 000 membres) sur Reddit montre que, chez beaucoup de membres actifs de ces communautés, l’immigration massive est blâmée sans hésitation non seulement pour la crise du logement, mais aussi pour bien des maux de la société canadienne.

Ce mécontentement de plus en plus bruyant contraste avec l’attitude actuelle du gouvernement canadien, qui semble tenir pour acquis que la vaste majorité des Canadiens sont intrinsèquement favorables à l’immigration.

Cela a peut-être été vrai jusqu’à présent, mais la crise du logement et la hausse généralisée du coût de la vie pourraient renverser la vapeur, bien que leur lien avec l’immigration ne soit pas avéré.

Si c’est plutôt le nombre d’immigrants reçus qui est aujourd’hui la cible de la plupart des critiques, il n’y a qu’un pas à franchir pour que les immigrants eux-mêmes soient tenus responsables des difficultés actuelles de la population canadienne ; nul besoin de préciser que ce pas a déjà été franchi par plusieurs. Le risque est donc grand de voir le blâme glisser des politiques du gouvernement libéral aux immigrants eux-mêmes, et que le ressentiment anti-immigrants prenne une importance grandissante dans l’espace public. Après tout, ce ne serait certainement pas la première fois que les « étrangers » seraient accusés de piller « nos » ressources, voler « nos » emplois ou, dans ce cas-ci, « nos » maisons.

En continuant sur sa lancée sans expliquer et justifier sa position de façon convaincante au public canadien, le gouvernement Trudeau pourrait donc finalement faire plus de tort que de bien à la population immigrante du pays. Et, encore une fois, ce seront les minorités visibles qui en subiront le plus durement les conséquences.

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