L’arrivée du projet de loi 15 occupe une place particulière parmi mes réflexions.

En tant qu’étudiante qui entame sa deuxième session en technique de travail social, cette nouvelle grande réforme me confronte et me fait douter. Qu’est-ce qui sera attendu de moi ? Avec qui serais-je appelé à travailler ? Dans quel organisme j’aimerais pratiquer ma profession ? Serait-ce encore possible de protéger ma vie personnelle et de bien y intégrer ma vie professionnelle ?

Je me persuade que la réponse viendra d’elle-même lorsque mes stages s’effectueront, mais lorsque je regarde ce qui s’en vient, que je me projette dans le futur, je réalise que mes interrogations ne sont que plus persistantes.

Je souhaite bien entendu que les personnes ayant besoin de mon savoir-faire soient au centre de ma carrière, mais je sais que les contraintes organisationnelles que m’imposera mon futur employeur risquent de rendre cela difficile.

Avec l’approche autoritaire mise de l’avant dans le projet de loi 15, je me demande bien pour quelles raisons j’irais dans le secteur public si mon principal but est d’aider, d’être présente pour mon prochain, d’être la main tendue à ceux qui en ont besoin, alors que ce que nous entendons au sujet du réseau ne va pas du tout dans cette direction.

Surmenage, épuisement professionnel, manque de ressources, manque d’appui, désorganisation et absence de rétention d’employés. En quoi aller travailler au public sera avantageux alors que je n’aurai aucun pouvoir sur mon travail ? Et si par hasard je désire apporter des améliorations ? Je sais que le chemin pour faire avancer mes idées et mes suggestions de changements constructifs sera laborieux, voire bloqué à l’avance par un supérieur qui croit tout comprendre.

Qu’en est-il de la relation aidé/aidant dans cette perspective ?

Le fait de consacrer 60 % de mon temps à remplir de la paperasse pour que mes patrons puissent remplir leur exigence de reddition de comptes me laisse perplexe. Je n’arrive pas à comprendre en quoi passer seulement 40 % de mon temps à faire de réelles interventions devrait m’encourager à prendre le chemin du secteur public.

Pourquoi l’humain n’est-il pas priorisé et considéré davantage dans le pourcentage cité plus haut ? Je constate et réalise d’avance que ma vie professionnelle sera d’abord définie par autre chose que le travail social…

Si l’état actuel du réseau et ce qui s’annonce avec le projet de loi 15 ont plutôt tendance à me démobiliser, il reste au moins le secteur des organismes communautaires. Si les ressources ne sont pas toujours au rendez-vous, au moins il y reste encore de la place pour l’humain.

La relation employé/employeur est propice aux discussions constructives et le travail d’équipe, dans le but de la mission de l’organisme, est une perspective stimulante.

Alors, comme plusieurs, j’hésite entre le secteur public et le communautaire. Bien entendu, le salaire, les avantages sociaux et la possibilité de ramasser un fonds de pension convenable jouent en faveur d’un passage au public. Mais je crains que le sens donné à mon engagement professionnel n’y trouve plus aucune place. C’est à se demander si le secteur public n’est pas une passoire qui se verse vers le communautaire.

Qu’en serait-il si nous, étudiants, avions le même discours ? Est-ce que ce projet de loi propulserait les nouveaux diplômés loin du secteur public ? Il est grand temps de se demander quelles sont les principales raisons derrière ce projet de loi. Qui sera avantagé dans cet avenir public incertain ? Les fonctionnaires ? Les salariés ? Les personnes aidées ? Nous, étudiants, nous nous questionnons. Il serait bien que tous puissent visualiser leur avenir professionnel de technicien en travail social dans le secteur public ; nous, futurs techniciens en travail asocial.

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