En réponse au texte de Philippe Teisceira-Lessard, « Condamné pour avoir transporté sa conjointe prostituée », publié le 12 août

Le 11 août dernier, La Presse publiait un article intitulé : « Condamné pour avoir transporté sa conjointe prostituée ». En tant qu’intervenantes qui travaillent tous les jours à aider les femmes à sortir de la prostitution, nous sommes choquées de constater, encore une fois, la banalisation et la normalisation du proxénétisme. Tenter de faire passer une relation d’exploitation sexuelle pour une relation amoureuse quelconque, c’est faire preuve d’une totale incompréhension des relations égalitaires saines entre hommes et femmes.

L’article de journal relatant le procès débute ainsi : « La condamnation du conjoint d’une prostituée qui la transportait à ses rendez-vous suscite l’inquiétude dans le milieu, qui dénonce la criminalisation des relations interpersonnelles des travailleuses du sexe ». Étant nous aussi du milieu, nous sommes plutôt inquiètes que des relations de proxénétisme soient présentées à tort comme des relations interpersonnelles tout à fait normales.

M. Elrhanjaoui, le conjoint de la femme engagée dans la prostitution, la transportait à ses rendez-vous touchant parfois jusqu’à 50 % des revenus de sa conjointe. C’est illégal, et tant mieux ! La Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation vise à protéger la dignité et l’égalité de tous les Canadiens et Canadiennes en dénonçant et interdisant l’exploitation d’autrui au moyen de la prostitution.

La législation canadienne traite la prostitution comme une forme d’exploitation sexuelle qui a une incidence disproportionnée sur les filles et les femmes. Cette loi entrée en vigueur en 2014 condamne toute personne profitant financièrement des services sexuels tarifés d’autrui.

Collectivement, nous devons cesser de fermer les yeux sur les conséquences du proxénétisme, un crime qui rend les femmes dans le système prostitutionnel encore plus vulnérables et précaires.

Clarifions un point important : en tant que féministes abolitionnistes, nous travaillons pour la décriminalisation totale des femmes impliquées dans la prostitution. Il est cependant crucial de condamner les hommes qui exploitent les femmes et profitent de leurs revenus en prétendant leur apporter un soutien quelconque. Nous devons, en tant que société égalitaire, reconnaître que de tels actes brisent des vies et renforcent les inégalités entre les sexes.

Considérant que la majorité des femmes impliquées dans l’industrie du sexe désirent en sortir, indépendamment des choix initiaux qui les ont menées à cette situation, il est impératif que le modèle abolitionniste reste en place et qu’il soit compris par l’ensemble de la population.

Décriminaliser les exploiteurs et les prostitueurs ne réglera pas le problème de l’exploitation sexuelle, au contraire. Il s’agit d’une fausse croyance extrêmement simpliste ne tenant pas compte des nombreuses externalités négatives liées à la décriminalisation totale de la violente industrie du sexe.

Cette fausse croyance est relayée ad nauseam par des organismes épousant une vision monolithique des bienfaits de la réduction des méfaits. L’approche de la réduction des méfaits, bien qu’utile dans certains cas, n’est pas l’approche qui aidera les femmes à sortir de la prostitution, ni celle qui rééquilibrera le rapport de force entre les hommes et les femmes.

Il est essentiel de rappeler que les relations basées sur l’exploitation ne peuvent en aucun cas être assimilées à des relations amoureuses authentiques. Nous devons continuer à lutter pour les droits et la dignité des femmes impliquées dans le système prostitutionnel.

Nous devons sensibiliser l’opinion publique en condamnant fermement toute forme d’exploitation sexuelle.

Lisez « Condamné pour avoir transporté sa conjointe prostituée » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion