La semaine dernière, le National Post a publié un éditorial intitulé «Tell Quebec where to get off» (Disons au Québec ses vérités), éditorial qui a suscité la controverse. André Pratte, l'éditorialiste en chef de La Presse a fait parvenir une réplique au Post, qui l'a publiée hier et dont voici la version française.

Dans un éditorial publié le 24 février, le Post suggère à Stephen Harper d'abandonner son fédéralisme d'ouverture pour adopter plutôt la ligne dure. L'éditorialiste estime aussi que le gouvernement canadien devrait revenir sur sa décision d'annuler la reconstitution de la bataille des plaines d'Abraham «quitte, si nécessaire, à fournir une protection fédérale pour l'événement». Les politiciens fédéraux devraient aussi «dire la vérité au sujet de la péréquation» et «enlever au Québec son siège à la Francophonie».

 

Ayant moi-même, comme éditorialiste, critiqué l'approche de mendiant du Québec à l'égard du fédéralisme, étant de plus l'un des rares commentateurs à avoir défendu la reconstitution de la bataille de 1759, je trouve particulièrement déplacés le ton et le contenu de l'éditorial du National Post. L'approche conciliante qui, selon le quotidien, n'a pas donné de résultats a quand même réussi à garder le Québec au sein de la famille canadienne malgré les efforts déterminés d'un puissant mouvement séparatiste.

Bien sûr, le Québec reste un partenaire difficile à satisfaire. Mais c'est aussi le cas d'autres provinces - on pense à Terre-Neuve et à l'Alberta - et par ailleurs, qu'est-ce qui fait croire au Post que la ligne dure aurait été plus bénéfique?

Je peux certainement comprendre la frustration de plusieurs Canadiens anglophones à la suite des dernières élections fédérales, alors que les Québécois ont une nouvelle fois envoyé à Ottawa une majorité des députés séparatistes. Toutefois, punir les électeurs québécois pour leur vote ne serait pas seulement malavisé; cela irait à l'encontre de la démocratie et des valeurs canadiennes. Les partis fédéraux devraient plutôt se regarder dans le miroir afin de comprendre pourquoi ils n'ont pas réussi à obtenir plus d'appuis dans la province et à y planter des racines plus profondes.

L'éditorial du Post contenait plusieurs erreurs. Par exemple, il est trompeur d'affirmer que le Québec «reçoit le plus d'argent - près de 50% des paiements de péréquation». Si le Québec reçoit la plus grande part de ce programme fédéral (qui, soit dit en passant, est enchâssé dans la Constitution), c'est tout simplement parce qu'il est la plus peuplée des autres provinces bénéficiaires. La formule de péréquation s'applique partout au pays de la même façon. Et en réalité, le Québec reçoit moins de péréquation par habitant que la plupart des autres provinces.

Au sein d'une fédération, les gouvernements régionaux défendent les intérêts de leur région. L'insistance du Québec sur son caractère et ses besoins distincts agace peut-être les autres Canadiens, mais cette attitude ne changera pas.

Je fais partie d'un groupe de Québécois qui voudraient voir leurs concitoyens jouer un rôle plus positif dans la fédération canadienne. Nous pensons, par exemple, que les Québécois devraient être à l'écoute des préoccupations des autres Canadiens et rechercher des compromis au lieu de se contenter de déposer des listes de revendications. Malheureusement, un éditorial comme celui du Post confirme l'opinion de bien des Québécois selon qui toute reprise du dialogue avec le reste du Canada serait futile.

Les institutions nationales, qu'il s'agisse du gouvernement fédéral ou des médias d'information, devraient faire la promotion de la tolérance, du calme et d'une perspective pancanadienne plutôt que de cultiver les préjugés et de promouvoir des solutions simplistes dans le seul but de donner libre cours à la colère de certains.

Le chemin de la modération est sans doute plus difficile à suivre et, à court terme, n'est pas le plus populaire. C'est pourtant la seule voie qui rende le Canada possible.