L'aide internationale et, plus particulièrement, tout ce qui concerne Haïti, on en mange. Cette lettre fait écho à beaucoup de commentaires que nous avons entendus dans les médias ces dernières semaines à ce sujet. Et quand je parle de nous, je parle des femmes qui sont impliquées dans le milieu de l'humanitaire. Ni professionnelles endurcies, ni néophytes naïves.

Nous aussi, récentes diplômées, sommes allées en Haïti, mais avec l'idée de trouver un angle qui n'ajouterait pas à cette «république des ONG» si décriée. Un angle réaliste, un angle objectif, un angle vrai avec les bons et les mauvais côtés.

Nous avons choisi une ville, Léogâne, qui est encore méconnue du public, malgré qu'elle soit située à  l'épicentre du séisme. Pas glamour du tout, Léogâne... Notre questionnement était: l'aide humanitaire est-elle un levier ou un frein à la reconstruction de Léogâne?

Pas d'hôtel, pas de caméra médiatique internationale, pas d'électricité, quasiment pas de routes ou de rues fonctionnelles. Or, encore plus de 100 000 personnes y vivent. Et l'ambiance n'a pas l'air d'une version caribéenne de Mad Max. Les choses se font doucement, au rythme des gens, de la vie haïtienne, à mains d'hommes, avec très peu de machinerie. Et les jeunes filles s'y marient, attendent leur premier enfant avec une joie extraordinaire. On y rit, on y pleure, on va régulièrement à l'église, on travaille quand on en a la possibilité, on se débrouille. On y vit.

Lorsqu'on fait une liste clinique des gros salaires des ONG internationales ou on dit qu'il y a des travailleurs humanitaires qui font preuve d'excès et de manque d'éthique, on a rien dit et on n'explique rien à personne.

L'humanitaire, comme n'importe quel secteur d'activités, a aussi ses dérives et ses zones sombres. Comme le disait Saint François de Sales : «Où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie».

OK et ensuite? Ce milieu est plein de paradoxes et de contrastes. Le travail y est très exigeant et aride. Le temps est compressé. Les moyens d'actions continuellement entravés et réduits. Les organismes internationaux ont de la difficulté à recruter les profils adéquats. Qui veut partir à l'étranger, six mois, un ou deux ans sans avoir forcément la possibilité d'emmener sa famille? Qui veut mettre entre parenthèses sa vie sociale? Qui veut travailler continuellement dans des conditions volatiles et complexes?

Peut-être que les «expats», comme on les nomme, sont  «riches». Mais par rapport à qui, à quoi? La richesse reste un concept très relatif.

Aujourd'hui, dans un monde où les problématiques liées à l'humanitaire et à l'aide internationale sont de plus en plus complexes, il ne suffit plus de partir «en mission» simplement par bonne volonté ou par compassion.

L'aide humanitaire a besoin de professionnels, certes engagés idéologiquement et socialement, mais surtout formés à la prise de décision rapide, à s'adapter continuellement aux conditions changeantes sur le terrain, à travailler avec un impact «effet papillon» constant et à prendre des risques. Tout ça dans le chaos.

Et cela a un prix!