Le recul du gouvernement Harper à l'égard de l'acquisition de 65 chasseurs F-35 témoigne des malheurs entourant le développement du programme multinational d'avions de combat interarmées et des contraintes budgétaires au ministère de la Défense nationale. Dans un climat de haute tension politique, il apparaît nécessaire d'identifier les différents scénarios possibles qui s'offrent au gouvernement afin de corriger le tir.

Le changement de cap du gouvernement n'est pas dramatique. Si, aujourd'hui, il estime que «toutes les options sont sur la table», c'est que l'attention politique accordée aux F-35 depuis l'annonce de 2010 n'était que symbolique. Il s'agissait d'une politique spectacle, visant à mettre l'accent sur le prestige militaire du Canada et de son industrie aérospatiale. Aucun contrat n'étant signé, la date de livraison du premier F-35 étant prévue pour 2017, au plus tôt, Ottawa a encore tout le temps nécessaire pour revoir ses besoins militaires, effectuer un appel d'offres et remplacer les CF-18.

La question est de savoir quel appareil - ou combinaison d'appareils - pourrait remplacer les CF-18, si le F-35 s'avère trop dispendieux, inapproprié aux besoins du Canada et/ou indisponible au moment de devoir remplacer les chasseurs actuels.

Il convient d'abord de préciser les besoins militaires du Canada. La première et principale fonction du chasseur doit être de contribuer, en coopération avec les États-Unis, à la défense de l'espace aérien nord-américain. Le territoire canadien est trop vaste et trop près des États-Unis pour que l'Aviation royale du Canada (ARC) n'en assure seule la défense. Voilà pourquoi l'accord du NORAD a été constamment renouvelé, puis élargi, depuis près de 60 ans.

Il n'est pas nécessaire pour l'ARC de disposer d'avions furtifs afin de remplir ses obligations au sein du NORAD. Non seulement cette technologie n'est-elle pas nécessaire pour intercepter un agresseur, mais la défense de l'espace aérien nord-américain est mieux assurée par une détection radar avancée et la dissuasion aérienne et nucléaire des États-Unis. Un appareil capable de s'adapter aux exigences de la défense du vaste territoire canadien et de contribuer efficacement aux opérations du NORAD est nécessaire.

Une seconde fonction des chasseurs est de participer aux opérations militaires expéditionnaires dans le cadre de coalitions d'États occidentaux. Cette fonction est facultative. Contrairement à son rôle dans le NORAD, le Canada n'est pas obligé d'y prendre part. Il s'agit d'un choix politique.

En préférant le F-35, le gouvernement Harper a signalé l'importance qu'il accordait à cette seconde fonction. Les conservateurs souhaitaient doter l'ARC d'un maximum de flexibilité pour les opérations outremer. D'autres scénarios ne permettraient pas nécessairement au Canada de se ranger au sein du groupe restreint d'États disposant des capacités militaires requises contre tout ennemi, le privant ainsi du prestige d'être au premier plan lors d'une mission internationale.

La première option est de conserver le choix du F-35. S'il demeurait abordable et surmontait ses difficultés techniques, il est assuré que ce serait le premier choix d'Ottawa. Mais à la lumière du contexte actuel, il semble préférable - voire probable - qu'un processus transparent visant à déterminer les prochains chasseurs canadiens soit mis en place.

La seconde option est d'abandonner le F-35 en faveur d'un avion de 4e génération. Ce choix serait sans doute le plus humiliant pour les conservateurs; il est donc le moins probable. Opter pour un autre chasseur indiquerait que l'ARC peut se passer des capacités furtives du F-35.

Une troisième option, hautement plus probable, consiste à acheter un nombre limité de F-35. Le Canada devrait compenser son manque de chasseurs, soit en poursuivant la modernisation des CF-18, soit en décidant d'acheter le Super Hornet, un avion de combat de 4e génération. Mais cette approche compliquerait l'entraînement des pilotes, l'entretien des avions et la négociation des retombées économiques qui accompagnent les acquisitions d'équipement militaire.