Je faisais partie, durant ma jeunesse écolière et étudiante puis au début de ma vie professionnelle, des «plus pauvres». Famille monoparentale de six enfants abandonnée par le père, disparu dans la nature, et n'ayant pour toute ressource que le «bien-être social».

J'ai eu la chance d'avoir une mère qui nous a stimulés intellectuellement et peut-être, aussi, d'être dotée d'une curiosité extrême! Résultat, j'étais plutôt bonne à l'école et cela a certainement contribué à forger mon «estime de moi», comme disent les «psys» de tout acabit. Autre effet, je ne voulais pas arrêter d'étudier.

La beauté de la chose, c'est que j'ai pu continuer et compléter un baccalauréat grâce à notre système qui protège les plus pauvres et c'est de cela dont je suis le plus reconnaissante à notre «système».

Je me suis endettée au maximum, car bien sûr, j'avais droit à l'aide maximum. Mais précisons qu'avant de toucher une bourse, il faut d'abord avoir épuisé le maximum possible de prêts. Et quand j'ai terminé mes études, il n'y avait aucun système d'aide au remboursement de cette dette. Dix ans à rembourser ma dette, alors qu'au début, mon salaire était loin d'être faramineux. Mais je l'ai fait, et bien que j'aie trouvé ces années difficiles, j'ai toujours pensé que j'avais fait le bon choix.

Je crois sincèrement et profondément que ce n'est pas le coût des études qui nuit à l'accessibilité aux études universitaires ou autres, mais la pauvreté. La pauvreté dans sons sens le plus «alimentaire» mais surtout, dans son sens le plus large.

La pauvreté des enfants qui manquent d'attention et de stimulation, qui manquent de se faire dire comment ils sont capables, dont la famille ne valorise pas la curiosité, le goût d'apprendre... parce que la pauvreté, cela se transmet souvent d'une génération à l'autre!

Je suis allée souvent à l'école le ventre vide... mais ma tête était pleine. Rendre l'école accessible aux Québécois, cela ne se joue pas, en tout cas pas essentiellement, sur le montant des droits de scolarité, cela se joue durant les jeunes années au primaire.

On ne peut pas «sauver» tous les enfants, on ne peut pas tous les amener à l'université - ce n'est d'ailleurs pas le but à viser selon moi -, mais si on peut mettre assez de bonnes ressources autour d'eux durant les années du primaire, on pourra certainement les stimuler intellectuellement, repérer ceux qui ont besoin d'une tape dans le dos, de se faire dire qu'ils sont bons, de se faire offrir par un super bibliothécaire d'école primaire, des livres et des idées!