Le nouveau premier ministre Justin Trudeau vient de donner la parité de la représentation ministérielle canadienne aux hommes et aux femmes, geste que nous sommes nombreux à applaudir. Mais laisserons-nous maintenant ces politiciennes être femmes ?

Dernièrement, la ministre de la Sécurité publique Lise Thériault a fait les manchettes parce qu'elle a pleuré devant les journalistes alors qu'elle était questionnée sur les allégations de violence et d'agressions sexuelles commises par des policiers de la SQ de Val-d'Or sur des femmes autochtones. Larmes de crocodiles pour les uns, larmes de faiblesse pour les autres.

« En politique, on ne pleure pas, on agit », a-t-on pu lire sur les médias sociaux qui, comme d'autres observateurs, n'ont pas été tendres à son égard.

Après, l'ancienne ministre Monique Jérôme-Forget, dont le parcours impose le respect, confiait à Michèle Ouimet : « Je n'aime pas quand on pleure, surtout une femme. Pas sûre que je n'aurais pas eu la larme à l'oeil, mais je n'aurais pas pleuré parce que les larmes, pour une femme, ça ne passe pas. Si un homme avait pleuré, on aurait dit que c'est un héros, un être sensible, humain. La femme, elle, est une braillarde, incapable de résister au stress. »

Je ne conteste pas le constat. Mais je déplore le fatalisme et je m'indigne devant l'idée que les femmes, au fond, doivent se travestir en hommes quand elles font de la politique.

À quoi bon se réjouir d'atteindre la parité des sexes au parlement si on n'accepte pas encore la différence ? Si on n'accepte pas que l'émotion ait sa place dans certaines situations, que l'on soit homme ou femme ?

Qu'est-ce que ça changera dans le monde si les élues doivent se conformer au modèle masculin ?

Et si c'était normal en tant que femme d'être atteinte et émue par la violence faite aux nôtres par des policiers qui devraient protéger ? D'accord, le gouvernement était au courant de certaines allégations depuis cinq mois. Mais de voir et d'entendre toute l'histoire (et non des bribes ou des rumeurs) de la bouche des victimes qui ont osé briser le silence devant une journaliste, mais qui n'auraient pu le faire avec des policiers envers lesquels la confiance était anéantie, ça remue. La froideur ou l'empathie déguisée me seraient apparues suspectes, contrairement à l'émotion. Et allez savoir ce que de tels drames peuvent réveiller dans la vie d'une femme...

Je travaille dans le milieu de l'entrepreneuriat, dans une école dirigée par des femmes. L'émotion y est accueillie, déposée et exprimée ouvertement. Nous vivons dans l'univers de la transparence et de l'authenticité. N'est-ce pas, au fond, ce que nous attendons tous de nos dirigeants et de nos élus ?

Ce n'est pas aux femmes de se travestir en hommes pour rester politiciennes. C'est à la société d'accueillir la différence, de s'y ouvrir.

Le vrai courage politique, c'est peut-être celui de Lise Thériault. Celui d'être soi. Et la sensibilité au sort des victimes, ce n'est pas une fragilité. C'est une force.