L'ex-ministre de la Justice Marc Bellemare croit qu'une commission d'enquête sur la nomination des juges ne serait qu'un écran de fumée.

Lors d'une entrevue à La Presse Canadienne, M. Bellemare a estimé que le premier ministre Jean Charest fait fausse route avec un mandat aussi étroit.

«C'est un écran de fumée, mais ce n'est pas inintéressant pour la population de savoir comment ça fonctionne», a-t-il dit.

Selon M. Bellemare, dont les révélations fracassantes ont ébranlé le gouvernement, le processus de nomination des juges du Québec est «excellent sur papier» et fait même des envieux dans d'autres provinces à cause de sa rigueur.

L'ex-ministre, qui dit avoir été l'objet de pression pour le choix de certains magistrats, a déclaré que la commission que M. Charest souhaite instituer devrait plutôt examiner comment des personnages extérieurs au gouvernement réussissent à tirer les ficelles.

«Ce n'est pas le processus de nomination des juges qui fait défaut, ce n'est pas à ce niveau que ça se passe, a-t-il dit. C'est les magouilles de Jean Charest et des sbires financiers.»

Le processus de sélection actuel repose sur un comité de trois personnes dont un juge de la Cour où il y a une vacance, un avocat nommé par le Barreau et une personne qui n'est ni juge, ni avocat, et qui est nommée par le ministre de la Justice.

Le comité détermine l'aptitude des avocats candidats à la magistrature et établit une liste et des recommandations. Le conseil des ministres procède finalement aux nominations des juges sur proposition du ministre de la Justice, mais à partir des avis du comité de sélection.

Selon M. Bellemare, en voulant limiter la commission au processus de nomination, M. Charest cherche à se débarrasser au plus vite d'un problème embarrassant, alors que la notion de trafic d'influence dans les nominations devrait être au coeur de ses travaux.

«Je trouve que ce n'est pas assez, a-t-il dit. Il y a des grands collecteurs qui faisaient la pluie et le beau temps à cette époque là au gouvernement et qui obtenaient les nominations qu'ils voulaient, tout partout.»

M. Bellemare n'a pas indiqué clairement quelle était son intention face à l'éventualité de comparaître devant cette commission.

«Je ne sais pas, je regarderai le mandat qu'elle a, a-t-il dit. Mais il ne faut pas que ce soit un écran de fumée.»

M. Bellemare a répété mardi que durant l'année où il été au gouvernement, jusqu'en avril 2004, il avait subi des pressions lors de la nomination d'au moins deux juges.

Placé devant l'influence exercée par deux importants collecteurs de fonds du Parti libéral du Québec, M. Bellemare s'est plié à leurs exigences. M. Bellemare soutient qu'il a avisé le premier ministre, ce que nie ce dernier.

«C'était impératif, a-t-il dit. Je m'en suis plaint au premier ministre, mais il m'a fait comprendre que c'était comme ça que ça marchait.»

Mardi, M. Bellemare a affirmé que les magistrats en question ignorent peut-être même qu'il a été l'objet de ce qu'il a décrit comme «du tordage de bras» de la part de ces deux solliciteurs de fonds.

Par ailleurs, M. Bellemare trouve ridicule que M. Charest ait l'intention de lui faire parvenir une mise en demeure afin qu'il se rétracte au sujet de ses allégations de trafic d'influence et d'irrégularités dans le financement du PLQ.

«C'est une manoeuvre politique absolument ridicule, a-t-il dit. Je vais me rétracter de quoi? J'ai dit la vérité. C'est tout.»

L'ex-ministre ne s'est pas montré inquiet par la perspective que ce refus l'expose à des poursuites en diffamation de la part de M. Charest.

«Il viendra faire sa preuve», a-t-il dit.