Le gouvernement Charest a choisi l'ex-juge de la Cour suprême Michel Bastarache pour présider la commission d'enquête chargée de vérifier si des juges ont été nommés sous l'influence de «tierces personnes» comme des collecteurs de fonds du Parti libéral.

À la sortie d'une réunion du Conseil des ministres, mercredi, le premier ministre Jean Charest a indiqué que M. Bastarache devra tirer au clair les allégations de Marc Bellemare qui remettent en question l'impartialité dans la nomination des magistrats.

L'ancien ministre de la Justice affirme qu'il a nommé trois juges, des sympathisants libéraux, sous la pression de collecteurs de fonds du PLQ. Il dit avoir fait part de la situation à Jean Charest à plusieurs reprises.

Le premier ministre a expliqué que la mise sur pied de cette commission est une «décision exceptionnelle», rendue nécessaire par le fait que les allégations de Me Bellemare «viennent entacher la réputation et la crédibilité des tribunaux». «C'est important d'aller au fond des choses», a souligné M. Charest, accompagné de la ministre de la Justice, Kathleen Weil, et son collège de la Sécurité publique, Jacques Dupuis.

La commission n'a toutefois pas le mandat de faire la lumière sur les irrégularités dans le financement du PLQ que Marc Bellemare dit avoir constatées. Selon Jean Charest, c'est au Directeur général des élections de faire enquête sur ces allégations.

Selon le décret qu'a adopté le Conseil des ministres, la commission Bastarache doit «enquêter sur les allégations formulées par Me Marc Bellemare concernant le processus de nomination des juges de la Cour du Québec, notamment au regard de l'influence qu'auraient exercée de tierces personne dans ce processus, ainsi que sur le processus de nomination des juges des cours municipales et des membres du Tribunal administratif du Québec». Elle doit aussi «formuler, le cas échéant, des recommandations au gouvernement sur d'éventuelles modifications à apporter au processus de nomination». Selon Jean Charest, «le processus actuel est bon et largement reconnu», mais «tout est perfectible dans la vie».

À son avis, Michel Bastarache pourra étudier les nominations faites par d'autres ministres de la Justice que Marc Bellemare - il a été en poste d'avril 2003 à avril 2004 seulement. Il pourra également demander toutes les candidatures déposées de même que les rapports des comités de sélection.

Jean Charest a justifié le choix de M. Bastarache en soulignant qu'il a siégé au plus haut tribunal du pays et qu'il n'a pas été nommé par une instance du gouvernement du Québec.

Jacques Dupuis a pris contact avec M. Bastarache, qui a accepté rapidement l'offre du gouvernement après avoir consulté ses associés au cabinet Heenan Blaikie à Ottawa.

Michel Bastarache sera payé 250 $ l'heure pour un maximum de 8 heures par jour pour conduire son enquête. Il doit remettre son rapport au plus tard le 15 octobre.

Sans remettre en question la crédibilité et la compétence de Michel Bastarache, l'opposition juge que son mandat, défini par le gouvernement, est beaucoup trop limité.

Pour le Parti québécois, le processus ayant mené à la création de cette commission d'enquête est «vicié à la base», puisque Jean Charest est «au coeur des accusations» portées par Marc Bellemare. «On ne peut pas être juge et partie. On ne peut pas, comme accusé, choisir son juge», a affirmé le leader parlementaire du PQ, Stéphane Bédard.

«La crise de confiance» ne porte pas seulement sur la nomination des juges, a-t-il ajouté. Pour cette raison, l'enquête publique doit porter sur l'industrie de la construction et sur le financement du PLQ. Jean Charest «n'a plus l'autorité morale et la légitimité pour refuser une enquête élargie», a lancé M. Bédard.

Le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, estime que le mandat «est beaucoup trop étroit» et que M. Charest est «en conflit d'intérêts». «M. Bastarache a l'obligation morale d'élargir son champ d'action» pour examiner «l'influence des collecteurs de fonds dans l'exercice du pouvoir», par exemple dans l'adjudication des contrats dans la construction ou l'attribution des places en garderie. M. Bastarache a affirmé à Radio-Canada qu'il ne peut élargir son mandat.

Selon le député de Québec solidaire, Amir Khadir, «c'est une enquête bidon, sans mordant», visant à «mettre le couvercle sur la marmite».