Voyage sur le yacht de Tony Accurso, contrat des compteurs d'eau, manipulation électorale à Boisbriand, enveloppes brunes; les multiples révélations sur la collusion et la corruption dans le monde municipal inquiètent fortement les Québécois. Excédée, une forte majorité de la population réclame une enquête publique.

C'est ce que révèle un sondage Angus Reid Strategies réalisé mercredi et hier pour le compte de La Presse. Le coup de sonde a été mené avant la diffusion de l'entrevue que Benoit Labonté a accordée à Radio-Canada, hier soir. L'ex-chef de Vision Montréal soutient que tous les partis sont financés par de grandes entreprises.

 

Même avant ces révélations-chocs, plus de quatre répondants sur cinq se sont dits préoccupés par les nouvelles sur la corruption et la collusion au sein des municipalités. Plus de la moitié (51%) sont «très préoccupés», alors que 31% le sont «moyennement».

Les Québécois ébranlés

La même proportion de Québécois (81%) souhaite la tenue d'une enquête publique sur les liens entre le milieu des entrepreneurs et des administrations municipales. Et cette enquête ne devrait pas se limiter aux municipalités: 82% des répondants souhaitent l'élargir au monde provincial.

«Bref, la confiance du public sur l'octroi de tous les contrats a vraiment été ébranlée», estime le vice-président aux affaires publiques chez Angus Reid Strategies, Jaideep Mukerji, étonné par l'intensité des réponses.

Seulement 3% des Québécois croient que les contrats sont toujours attribués selon les règles de l'art dans les grandes villes du Québec. À l'opposé, plus de la moitié d'entre eux pense que les règles sont «rarement» ou «jamais» respectées.

«C'est un manque de confiance quasiment absolu dans ce processus-là, et ça risque d'être difficile pour la classe politique de regagner la confiance du public», croit Jaideep Mukerji. L'étroitesse des liens entre les entrepreneurs et les élus ne serait pas unique au Québec; cette situation aurait cours ailleurs au pays, selon 85% des répondants.

De façon presque unanime, les Québécois souhaitent que l'on resserre les règles en matière de financement des partis politiques. Les enquêtes menées par le directeur général des élections sont déjà un bon début: plus de la moitié des Québécois ont confiance en ce processus, révèlent les résultats du sondage.

Et le vote?

Denis Saint-Martin, professeur au département de science politique de l'Université de Montréal, n'est pas surpris par les conclusions du sondage. «L'opinion publique en général perçoit la classe politique comme étant assez corrompue», souligne-t-il.

La classe politique, elle, n'est pas du même avis, souligne M. Saint-Martin. «Lorsqu'on fait le même sondage auprès des politiciens, ils se perçoivent comme étant assez intègres, dit-il, en se basant sur une étude publiée en 2005 dans la Revue canadienne de science politique. Bref, il y a un monde de différences entre les représentants politiques et l'opinion publique.»

Les récentes révélations de collusion et de corruption auront-elles un impact sur le résultat des élections municipales du 1er novembre? Denis Saint-Martin en doute. «Aux États-Unis, des études ont montré que des politiciens qui avaient été reconnus coupables de corruption ont été réélus», souligne-t-il.

Le coup de sonde a été mené en ligne auprès de 1046 adultes québécois, choisis au hasard, inscrits au Forum Angus Reid. Sa marge d'erreur est de trois points de pourcentage, 19 fois sur 20.

 

SONDAGE ANGUS REID STRATEGIES-LA PRESSE

Liens entre des entrepreneurs et les administrations municipales

Les allégations de collusion et de corruption

Vous préoccupent 82 %

Ne vous préoccupent pas 5 %

Québec doit-il procéder à une enquête publique?

Oui 81 %

Non 8 %

Pas certain 11 %

L'enquête publique doit

Être limitée au municipal 9 %

Être élargie au provincial 82 %

Pas certain 9 %

Les contrats accordés par les villes le sont dans les règles

En tout temps 3 %

La plupart du temps 28 %

Rarement 51 %

Jamais 7 %

Pas certain 12 %

Financement des partis politiques

Faut-il resserrer les règles ?

Oui 94 %

Non 3 %

Pas certain 3 %

Les 21 et 22 octobre 2009, Angus Reid Strategiesamené un sondage en ligne auprès d'un échantillonnage représentatif de 1046 adultes québécois, choisis au hasard, inscrits au Forum Angus Reid. La marge d'erreur qui mesure la variation de l'échantillonnage est de 3,03 points de pourcentage, 19 fois sur 20. Les résultats ont été statistiquement pondérés conformément aux plus récentes données de recensement sur la scolarité, l'âge, le sexe et la région, de façon à assurer un échantillonnage représentatif.

Les différences dans ou entre les totaux sont attribuables au fait qu'on les a arrondis.