En exposant les limites des enquêtes policières pour faire la lumière sur les malversations dans le secteur de la construction, le syndicat des agents de la Sûreté du Québec a fourni au gouvernement l'ultime argument en faveur d'une commission d'enquête publique, ont déclaré lundi les partis de l'opposition à l'Assemblée nationale.

La leader parlementaire adéquiste Sylvie Roy a affirmé que l'Association des policiers provinciaux du Québec (APPQ) venait ainsi de désavouer le ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis, qui favorise pour l'instant les enquêtes policières.

«Je pense que c'est les personnes les plus crédibles pour prêcher en faveur d'une enquête publique, a-t-elle dit lors d'un point de presse. C'est ceux qui voient ce qui se passe puis qui essaient d'attraper ces bandits-là.»

Le leader parlementaire péquiste, Stéphane Bédard, croit pour sa part que l'APPQ a démoli la dernière défense du gouvernement qui, selon lui, tente de gagner du temps pour se rendre jusqu'à la fin de la session parlementaire, début décembre.

«Il lui reste deux semaines à «toffer', a-t-il dit lors d'une entrevue. C'est pour ça que je dis qu'il est guidé par autre chose que l'intérêt public. Il veut protéger quelqu'un, il veut protéger des amis. Mais l'intérêt public passe par-dessus bord.»

Le président de l'APPQ, Jean-Guy Dagenais, a annoncé en fin de semaine son intention d'écrire à M. Dupuis, et à la ministre de la Justice, Kathleen Weil, afin de réclamer la tenue d'une enquête publique sur la construction.

M. Dagenais a indiqué lundi que la complexité de la preuve à accumuler ne permettra pas aux enquêtes policières d'exposer tout système criminel qui serait à l'oeuvre dans ce secteur d'activités.

«Ce ne sont pas les policiers, avec leurs enquêtes, qui vont changer les façons de faire, a-t-il dit lors d'une entrevue. Et pour changer les façons de faire, pour des modifications majeures, je pense que ça prend une enquête publique.»

M. Dagenais a affirmé que l'intervention du syndicat des policiers de la SQ, dont la convention collective vient à échéance en mars prochain, était motivée par les plus récentes révélations du vérificateur général, Renaud Lachance, sur des irrégularités commises dans l'octroi de contrats par le ministère des Transports.

Selon lui, M. Lachance a démontré que l'ampleur du problème commande une intervention plus large que le seul travail des policiers.

«Je pense que là, on est vis à vis la pointe de l'iceberg», a-t-il dit.

La semaine dernière, le président du syndicat des policiers de Montréal, Yves Francoeur, avait lui aussi réclamé une enquête publique.

L'Association des procureurs de la Couronne du Québec a ajouté sa voix à celle des policiers, en réclamant à son tour, lundi soir, la tenue d'une enquête publique. «C'est l'intégrité de toutes nos institutions qui est aujourd'hui en cause», a affirmé par voie de communiqué le président de l'Association, Christian Leblanc.

Jusqu'ici, le gouvernement a préféré attendre la fin des enquêtes de la SQ avant de déterminer s'il faut aller plus loin pour faire la lumière sur des allégations de fraude, corruption et autres malversations dans la construction.

Lors d'un point de presse à Montréal, lundi, le premier ministre Jean Charest a répété qu'il n'a pas fermé la porte à la possibilité d'instituer une commission d'enquête publique.

«Peu importe les scénarios, il faudra que le travail d'enquête (policière) se réalise, c'est incontournable, a-t-il dit. Il faut qu'il y ait des gens qui aillent chercher des faits, des dénonciations et vérifier des preuves.»

La semaine dernière, le vérificateur général Renaud Lachance a démontré que le ministère des Transports savait depuis 2004 que des entrepreneurs complotaient pour éliminer la concurrence dans les appels d'offres.

M. Lachance s'est toutefois étonné que ce constat n'ait pas été relayé à la police.

Cette information s'est ajoutée aux allégations de malversations qui s'accumulent depuis plusieurs mois concernant le secteur de la construction.

En plus de privilégier les enquêtes policières, le gouvernement a jusqu'ici opté pour la voie législative, en annonçant cet automne des modifications afin de remédier aux cas exposés.

Une escouade policière, qui comptera à terme 60 personnes, a aussi été mise en place pour enquêter sur les allégations.