Même s'il examinera le processus de nomination des juges sous le PQ de 2000 à 2003, Michel Bastarache a refusé d'accorder à l'opposition officielle le statut de participant à sa commission d'enquête, mais il l'a accordé au Parti libéral.

Mercredi, Me Bastarache a rendu publique sa décision sur les demandes de statut, qu'il avait entendues lundi. Il a rejeté la requête de l'équipe péquiste et refusé de lui donner tant le statut de participant que celui, moins important, d'intervenant.

«Force est de constater qu'avec la décision d'aujourd'hui, la commission sera totalement déséquilibrée. On est maintenant en droit de se demander quel est son véritable objectif», a tonné la députée péquiste Véronique Hivon.

«Il est difficile aujourd'hui, tant pour nous que pour l'ensemble de la population, de continuer à avoir confiance dans cette commission et légitime de se demander à quoi tous ces millions vont servir, si ce n'est à permettre à Jean Charest de sauver la face», a-t-elle ajouté.

Question d'intérêt

Dans sa décision, Michel Bastarache explique que la demande «inusitée» de l'opposition officielle - elle n'a pas été faite au nom du PQ - «ne saurait satisfaire aux critères qui sont applicables».

«L'intérêt direct et important qui doit être démontré n'est pas un intérêt politique à proprement parler», plaide-t-il. «L'intérêt général pour la question sous examen ne peut suffire» à obtenir un statut, ni le «désir de donner son point de vue». Un demandeur doit établir qu'il a des «éléments cruciaux à communiquer» et qu'il pourrait être touché «de façon directe» par les décisions de la Commission, explique Me Bastarache.

Il n'est pas convaincu «que l'opposition officielle ait un intérêt réel à l'égard de questions particulières qui seront soulevées lors de l'enquête, ni (...) qu'elle ait une perspective, une expérience ou une expertise particulière qui pourrait être utile à la Commission», dit-il encore.

Au cours des audiences, Michel Bastarache avait indiqué que sa commission n'était pas un «forum politique». Dans sa décision, il cite d'ailleurs le commissaire O'Connor, de l'enquête publique sur Walkerton, qui avait refusé le statut de participant au NPD parce que «le public pourrait voir la participation du requérant comme une politisation partisane de l'enquête».

En conférence de presse, mercredi après-midi, Mme Hivon a indiqué qu'elle avait été «profondément étonnée» de la décision de Me Bastarache.

«Nous avons déposé notre requête au nom de l'opposition officielle pour bien soulever notre rôle de groupe parlementaire, de surveillance à l'endroit du gouvernement ainsi que de partie prenante au processus législatif, et non pas comme parti politique. Or, nulle part dans sa décision M. Bastarache ne fait référence à cette nuance.»

Elle a ajouté que l'opposition officielle avait d'abord voulu laisser la chance au coureur malgré «les problèmes évidents» soulevés depuis la mise sur pied de la commission.

Examen élargi

Lundi, Michel Bastarache a annoncé son intention d'examiner le processus de nomination des juges au cours des 10 dernières années, donc en partie lorsque le PQ était au pouvoir. Il veut vérifier comment les processus «ont évolué durant les dernières années» et, s'ils ont changé, «en faire une analyse comparative» et s'interroger «sur les questions éthiques qui se posent».

«Mes efforts seront concentrés sur la découverte de problèmes institutionnels de nature opérationnelle ou administrative, si ces problèmes existent.»

La chef péquiste, Pauline Marois, et l'ancien premier ministre Bernard Landry se sont dits étonnés de cette décision, puisque les allégations de Marc Bellemare concernent le gouvernement Charest seulement.

Devant la controverse, le porte-parole de la commission, Guy Versailles, a répliqué qu'»il n'est pas question d'enquêter sur la conduite des acteurs de l'époque», car «il n'y a pas d'allégations» les concernant. «On n'est pas dans une chasse», a-t-il dit.

Michel Bastarache a accueilli la demande du PLQ, qui obtient donc le statut de participant. Ce parti est «directement mis en cause par les allégations de Me Bellemare» et possède «des informations qui sont essentielles à un examen exhaustif», écrit-il.

Sans surprise, le premier ministre, Jean Charest, obtient lui aussi le statut de participant. Le Barreau du Québec aura le même statut, car il «participe directement au processus d'évaluation des candidatures» à la magistrature, souligne Michel Bastarache.

Rappelons qu'un participant peut suggérer la convocation de témoins et faire des contre-interrogatoires.

Jean Charest n'a pas voulu commenter le refus essuyé par l'opposition officielle. Le premier ministre a ajouté que «le gouvernement n'a émis aucune opinion, n'a pas pris contact pour chercher à influencer directement ou indirectement les décisions que (Michel Bastarache) a prises» depuis sa nomination.