Le premier ministre Jean Charest refuse de suspendre la commission Bastarache comme le lui demande l'Action démocratique du Québec. Le chef de l'ADQ, Gérard Deltell, réclame la tenue d'une commission parlementaire pour entendre le témoignage de Marc Bellemare, une idée que le Parti québécois voit d'un bon oeil.

Jean Charest l'a toutefois balayée d'un revers de main: «Je pense que la commission Bastarache, comme c'est une commission indépendante et impartiale, est l'endroit tout désigné pour faire la lumière sur les affirmations de M. Bellemare», a affirmé le premier ministre, de passage en Estrie hier.

Gérard Deltell avait envoyé plus tôt à M. Charest une lettre pour lui demander de permettre l'audition de l'ancien ministre de la Justice, Marc Bellemare, en commission parlementaire. L'ADQ avait fait la même demande, en vain, il y a quelques semaines. M. Bellemare a lui-même réclamé de témoigner en commission parlementaire. Il refuse de comparaître devant la commission Bastarache sur le processus de nomination des juges, qu'il a qualifiée de «piège à cons».

«Ça ne sert à rien de continuer comme ça, car on s'en va dans un mur, a lancé le chef de l'ADQ. On n'a pas encore entendu un seul témoin et ça va tout croche. Les controverses s'accumulent les unes derrière les autres. Bref, il faut un temps d'arrêt.»

Selon lui, le témoignage de M. Bellemare en commission parlementaire permettra de voir s'il faut poursuivre les travaux de la commission Bastarache ou s'il faut ajuster son mandat.

De plus, argue-t-il, le témoignage de M. Bellemare devant les parlementaires «ne coûterait pas un sou», alors qu'«on va dépenser 2 millions de dollars» dans la commission Bastarache et «l'objectif de rétablir la confiance ne sera pas atteint», a-t-il ajouté.

Le PQ est d'accord avec Deltell

La députée péquiste de Joliette, Véronique Hivon, estime qu'une commission parlementaire peut être une très bonne idée.

Elle se dit favorable à «tout forum qui va permettre à M. Bellemare et à M. Charest d'exprimer leur point de vue» afin de faire la lumière sur les allégations de l'ancien ministre de la Justice. Mais la commission Bastarache, «on n'y croit plus», a-t-elle dit.

Elle condamne la décision du juge Bastarache de refuser à l'opposition officielle le statut de participant et même de simple intervenant. Gérard Deltell trouve lui aussi que cette décision «n'a pas de sens».

Me Bastarache a annoncé lundi qu'il examinera le processus de nomination des juges sous le PQ, de 2000 à 2003, ce qui aurait justifié la participation de l'équipe péquiste, a plaidé le chef de l'ADQ.

Une demande «bizarre» du PQ, dit Béchard

De son côté, le ministre Claude Béchard a laissé entendre que l'opposition officielle avait soumis une demande «bizarre» en sachant dès le départ qu'elle serait rejetée, uniquement pour se faire dire non. «On y voit beaucoup plus de la stratégie pour ne pas être entendus», a-t-il dit. Véronique Hivon a qualifié cette accusation de «loufoque».

Claude Béchard estime que la tenue d'une commission parlementaire ne mettrait pas fin aux critiques. «Ils nous diraient que ce n'est pas neutre, que la commission parlementaire est dirigée par un député libéral ou qu'il y a plus de libéraux que de péquistes, ou quoi que ce soit. Moi, je pense que quand tu n'as pas peur de ce que tu vas dire, le forum importe peu. Quand tu ne sais pas trop ce que tu as à dire, quand tu ne veux pas trop parler, tu essaies de faire beaucoup de brouillage autour du forum pour le discréditer», a-t-il affirmé, critiquant du coup l'attitude de M. Bellemare.