L'affaire de «l'argent liquide» évoquée par Marc Bellemare devant la commission Bastarache est une pure invention. C'est ce que promet de démontrer Me André Dugas, avocat du Parti libéral du Québec, en marge de la commission d'enquête sur le processus de nomination des juges.

Jamais le collecteur de fonds libéral Franco Fava n'a donné de liasses de billets à un permanent libéral à l'entrée du restaurant Michelangelo, à Québec. Selon les témoignages que l'avocat dit avoir reçus cet été, «cette affaire est un écran de fumée».

«Regardez-moi dans les yeux. Je vous le dis, cela n'a jamais eu lieu, selon l'information que j'ai. Pensez-vous sérieusement que les gens vont se mettre à compter de l'argent dans le hall d'un restaurant?» a lancé Me Dugas dans un point de presse impromptu, après que la commission Bastarache eut ajourné ses travaux jusqu'à mardi.

Il est heureux, selon lui, que Me Bellemare ait à témoigner devant le DGE. Les enquêteurs du DGE sont d'anciens policiers et feront un travail rigoureux «auquel les bénévoles du PLQ contribueront de tout coeur».

Statut de participant

Marc Bellemare a par ailleurs obtenu le statut de participant à la commission Bastarache, qu'il avait pourtant qualifiée de «piège à cons» et de «mascarade libérale» au printemps. «Le requérant témoigne depuis quatre jours et il lui apparaît évident que les forces en place sont démesurément disproportionnées en regard du but recherché par cette commission, soit la recherche de la vérité», a soutenu Me Bellemare dans sa requête.

L'ancien ministre aura donc le droit de faire contre-interroger tous les témoins, tels le premier ministre Charest ou les financiers Franco Fava et Charles Rondeau. Surtout, à titre de participant, Me Bellemare obtient accès aux témoignages fait à huis clos par une soixantaine de personnes cet été. Me Beaudry a demandé l'ajournement des audiences jusqu'à mardi afin d'en prendre connaissance.

Tous les autres participants ont appuyé la requête «légitime» de l'ancien ministre de la Justice. «Maintenant qu'il est présent, qu'il veut participer, cela va nous permettre d'aller au fond des choses», a soutenu Me André Ryan, procureur de Jean Charest.

«Je suis bien content qu'il y soit, il pourra poser des questions, suggérer des questions à son avocat, alors le portrait va être complet pour tout le monde. C'est une question d'équilibre», a dit Me Dugas, l'avocat du PLQ.

Contradictions

En matinée, Me Dugas a jeté un pavé dans la mare en prévenant que beaucoup de collaborateurs de l'ex-ministre avaient des souvenirs très différents des siens. Il a interrogé Franco Fava et Charles Rondeau durant l'été et il prévoit que leur version sera diamétralement opposée à celle de Marc Bellemare.

En dépit des fréquentes interrogations du commissaire Bastarache, Me Dugas a tenu à revenir sur des déclarations déjà faites par Me Bellemare. «On touche la crédibilité du témoin! Je sais qu'il y a des gens qu'on a interrogés qui auront des versions tout à fait contradictoires», a répondu Me Dugas à Michel Bastarache lorsqu'il lui a demandé d'expliquer sa stratégie.

Me Dugas a relevé que Marc Bellemare avait continué d'avoir des contacts avec Marc Fava et Charles Rondeau après son départ de la politique. Il reconnaît qu'il a pu y avoir un dîner «funéraire» avec M. Fava après son départ du Ministère et une partie de golf avec Charles Rondeau.

«Je ne comprends pas. Ces gens-là vous forcent, vous tordent le bras, vous imposent des nominations que vous ne voulez pas faire. Pourquoi êtes-vous ami avec eux?» a demandé Me Dugas.

«Après la politique, les gens continuent de vous parler, je n'ai pas d'animosité envers eux. Quand j'ai quitté, la page était tournée, mais je n'ai pas arrêté de parler à des libéraux après mon départ. Je leur parle encore, je ne demande pas leur carte de membre avant de parler aux gens», a répliqué l'ancien ministre.

Me Bellemare a rigoureusement répété ce qu'il avait déjà dit dans ses précédents témoignages. Franco Fava lui avait dit que certains candidats à la magistrature avaient «passé le concours», et non qu'ils étaient «sur la liste» des avocats admissibles. Il a reconnu aussi avoir «extrapolé» au début des audiences quand il a soutenu que, à l'été 2003, on l'avait prévenu que le père de Marc Bisson, organisateur libéral de l'Outaouais, aurait des problèmes avec la commission Gomery, qui allait être formée plusieurs mois plus tard.