Le fait que le gouvernement Harper ait songé à réduire considérablement les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour le secteur pétrolier et gazier a semé la consternation, en marge de la Conférence de Copenhague.

Selon un document confidentiel préparé pour le premier ministre Stephen Harper il y a quelques semaines, obtenu par la CBC, Ottawa a envisagé de réduire considérablement l'effort demandé au secteur pétrolier et gazier dans son plan Prendre le virage, en abaissant de 48 mégatonnes à 15 mégatonnes par année la cible à atteindre en 2020.

On ne précise cependant pas comment cela serait compatible avec une réduction globale des émissions du pays de 20% en 2020 sous leur niveau de 2006 (3% sous leur niveau de 1990), ce qui a soulevé l'ire des écologistes et des membres de l'opposition canadienne. Ils soutiennent que cela révèle toute l'hypocrisie du gouvernement Harper, qui propose une cible de réduction des émissions qu'il sait pertinemment qu'il n'atteindra jamais.

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Ils en veulent tout particulièrement aux conservateurs pour ce passage du document qui précise que la hausse prévue des émissions issues des sables bitumineux pourrait dépasser 165 % d'ici dix ans, un taux que l'on propose de freiner, tout au plus, de 10% d'ici 2020.

Il s'agirait ainsi d'une cible d'intensité: on ralentit la hausse des émissions, mais on ne réduit pas les émissions de façon absolue. Cela fait dire à certains experts, comme Matthew Bramley de l'Institut Pembina, qu'il est «impossible» que le Canada diminue ses émissions ne serait-ce que de 3 % d'ici 2020.

Le ministre de l'Environnement, Jim Prentice, n'a pas nié l'existence du document, lors de son point de presse quotidien tout à l'heure. Il s'est contenté de dire qu'»il ne représente pas la position officielle du Canada», ajoutant toutefois qu'»aucune décision n'a été prise à ce sujet».

L'opposition réclame que le document soit rendu public, afin que tous, au Canada comme à Copenhague, puisse avoir accès à ce qu'ils considèrent être les véritables intentions du gouvernement Harper.

«Cela est l'aboutissement de quatre ans de tactiques, de mauvaise foi et de refus de travailler avec les parlementaires sur la question du climat», selon le député libéral David McGuinty. «Cette position pro pétrolière est un scandale», a renchéri le bloquiste Bernard Bigras.

En guise de justification, le document souligne que les États-Unis, avec qui le Canada souhaite harmoniser ses politiques, sera conciliant avec son secteur manufacturier, qui a là-bas une grande importance. De la même façon, Ottawa devrait l'être avec son secteur pétrolier, argumente-t-on.

«Ce plan secret est un scandale, a lancé Graham Saul, du Réseau action climat Canada, l'organisme qui regroupe l'ensemble des groupes écolos. Ces documents révèlent que les cibles de réduction des émissions que le Canada présente à Copenhague «aussi faibles soient-elles» sont un leurre. Le ministre Prentice doit cesser de mentir aux autres pays et admettre qu'il n'a pas l'intention de respecter son engagement.»

«En racontant des mensonges à propos d'un enjeu de cette ampleur, le gouvernement canadien brise une entente fondamentale entre un gouvernement et sa population», a ajouté Rhiya Trivedi, membre de la délégation de la jeunesse canadienne.

D'ailleurs, les membres de cette délégation ont organisé un lie-in silencieux en réaction à la fuite du document. Couchés par terre, silencieux, les participants d'une centaine de pays ont voulu exprimer leur colère.