Arborant des foulards blancs, Pauline Marois, Amir Khadir et tous les élus péquistes ont mis en place mercredi ce qu'il fallait pour provoquer une collision percutante et des débats hargneux à l'Assemblée nationale. Le PQ, Québec Solidaire et les deux députés indépendants issus de l'ADQ ont réclamé, au cours d'une conférence de presse tenue devant le parlement, une enquête publique sur l'industrie de la construction et le financement de l'ensemble des partis politiques - jusqu'ici on ne visait que le Parti libéral.

Quand les députés sont entrés en arborant leurs foulards à l'Assemblée nationale, le débat s'est envenimé entre le gouvernement et le PQ. À contrecoeur, on a mis les foulards de côté.Plus tard, Gérard Deltell, chef de l'ADQ, a expliqué sa décision «de ne pas jouer dans le film de Pauline Marois», tout en assurant que l'ADQ appuiera la motion demandant une enquête, qui sera débattue la semaine prochaine au Salon bleu. Toute la fin de semaine dernière, les péquistes rêvaient de défaire le gouvernement. Avec la reprise des travaux parlementaires, Mme Marois revient à la charge avec la demande d'une enquête publique qu'a fait, la première, l'adéquiste Sylvie Roy dès avril 2009.

Selon la chef péquiste, M. Charest doit «se ressaisir» et écouter la population, les policiers, les procureurs, les ordres professionnels et plus de 180 municipalités qui ont adopté des résolutions demandant cette commission d'enquête. Le Québec, selon elle, «vit une crise de confiance sans précédent. Le Québec est paralysé par les allégations de collusion et de corruption. Le Parti libéral protège un système par son refus obstiné de tenir une enquête», a-t-elle lancé à l'Assemblée nationale.

D'après Amir Khadir, bien des élus libéraux sont aussi mal à l'aise avec «l'atmosphère de corruption, l'air vicié à l'Assemblée nationale». «On en est rendu à avoir honte du mot fier!» a-t-il ironisé, en faisant allusion à la controverse autour des Fonds d'intervention économique régionaux (FIER). Si le premier ministre Charest n'a pas le courage de faire la lumière sur toutes les affaires de corruption révélées au cours des derniers mois, «il doit démissionner», a lancé M. Khadir.

Par son refus, «il dévalorise sa fonction», a renchéri Mme Marois en point de presse. Elle s'est défendue vigoureusement d'avoir voulu marquer des points politiques en mentionnant que la maladie du ministre Claude Béchard l'empêcherait de venir appuyer aux votes un gouvernement doté d'une courte majorité. «M. Charest fait encore dans la diversion... malsaine», a-t-elle répliqué.

La réplique de Charest

En réplique, Jean Charest a soutenu que la police se chargeait de ces allégations. «Peu importe la voie suivie, il faut des preuves des faits pour ces opérations», a-t-il rappelé en soulignant que l'enquête policière était la voie à suivre.

Il a singulièrement haussé le ton quand l'adéquiste Gérard Deltell a évoqué de nouveau les accusations de Me Marc Bellemare au sujet de la nomination des juges. Soit dit en passant, la conjointe de l'ancien ministre libéral qui a jeté le doute sur l'intégrité de la magistrature, Me Lu Chan Khuong, a été nommée la semaine dernière bâtonnière du Québec et aura, à ce titre, un rôle à jouer dans le choix des avocats qui désirent accéder à la magistrature.

Me Cimon

Selon Jean Charest, le retrait de Me Pierre Cimon du poste de procureur-chef de la commission Bastarache illustre que l'opposition est allée trop loin dans la suspicion. Me Cimon quitte la commission parce que le PQ a soulevé une controverse autour de ses contributions, modestes, à la caisse du Parti libéral. «Il a fait 42 ans de pratique du droit. Son intégrité est reconnue par tous ceux qui l'ont côtoyé. Il est de ceux qui donnent parce qu'il veut contribuer à la démocratie. Me Cimon a le droit d'exister sans être sali par des gens qui n'ont que des objectifs politiques. Les Québécois en ont ras le bol de ces comportements», a lancé M. Charest.