Malgré de nouvelles révélations sur le contrôle exercé par le crime organisé, Jean Charest reste de glace et ne voit pas l'utilité d'une enquête publique sur l'industrie de la construction.

Une semaine après la fin des travaux de la commission Bastarache sur le processus de nomination des juges, l'opposition péquiste est revenue à la charge, mardi, dans le dossier de la corruption.

Avec la publication récente d'un livre sur l'infiltration de la mafia dans l'économie québécoise, le premier ministre ne peut plus se mettre la tête dans le sable et doit autoriser la tenue d'une enquête publique, a soutenu la chef péquiste Pauline Marois à l'Assemblée nationale.

«Combien de temps encore la mafia va-t-elle pouvoir faire la pluie et le beau temps dans le domaine de la construction? Tant que le premier ministre va être là ou tant que le Parti libéral va être au pouvoir?», a lancé Mme Marois pendant la période de questions.

Dans leur livre Mafia inc., les journalistes André Cédilot et André Noël affirment que la mafia montréalaise exerce un «racket de protection» auprès de quelque 600 commerçants de l'est de Montréal.

Les auteurs racontent aussi qu'un policier de la GRC, qui témoignera à Radio-Canada, a récemment affirmé devant un tribunal italien que la mafia contrôle une partie importante du secteur de la construction au Québec.

Ce policier aurait confié que de nombreux entrepreneurs québécois sont contraints de payer un «pizzo», soit une cote de 5 pour cent pour les contrats obtenus.

«Est-ce que le premier ministre trouve normal que l'on doive s'en remettre à la justice italienne et aux journalistes, si bons soient-ils, pour découvrir et comprendre un système mafieux, celui qui coûte une fortune aux payeurs de taxes?», a lancé Mme Marois.

Pendant que l'opération policière «Marteau» piétine et que le premier ministre reste sourd aux appels de tous horizons en faveur d'une enquête publique, la réputation du Québec souffre à l'étranger, a dénoncé la leader souverainiste.

«Le premier ministre a peur d'une commission d'enquête. Le gouvernement à l'évidence craint ce qu'une commission d'enquête révélerait. (...) Est-ce que ça signifie que le premier ministre a peur de ce qu'on pourrait entendre lors d'une commission d'enquête? Qu'est-ce que craint le premier ministre?», a-t-elle fait valoir.

Comme d'habitude lorsque le sujet épineux de la corruption est soulevé, le débat en Chambre s'est vite transformé en dialogue de sourds.

Le premier ministre a accusé sa vis-à-vis du Parti québécois «d'essayer de détruire, autant que possible, ses adversaires politiques» sur la foi d'allégations et d'insinuations.

«Ces tactiques-là, ça ne marche pas, ça ne donne pas de résultat. Ça ne sert qu'à salir la classe politique au complet», a-t-il estimé.

Pour M. Charest, les ressources déployées jusqu'à présent sont suffisantes pour mener les enquêtes et débusquer les criminels qui sévissent dans l'industrie de la construction.

Le gouvernement, a argué le premier ministre, a mis «des moyens extraordinaires» entre les mains des policiers pour qu'ils puissent enquêter, réunir des preuves et traîner les délinquants devant les tribunaux.

Environ 500 personnes - policiers, inspecteurs, fonctionnaires du Revenu - ont été mobilisées pour aller au «fond des choses, a-t-il dit.

Le ministre de la Sécurité publique, Robert Dutil, a renchéri.

«Nous avons pris la voie de faire des enquêtes policières, qui sont beaucoup plus rapides que de créer une commission d'enquête publique», a-t-il avancé.

Une commission enquête publique aurait mis au moins «un an» à se mettre en branle, selon M. Dutil.