Deux entreprises de Tony Accurso viennent d'être accusées de fraude fiscale par l'Agence du revenu du Canada (ARC). Les entreprises en cause, Construction Louisbourg et Simard-Beaudry Construction, sont deux des plus importants donneurs d'ouvrage au Québec.

Au total, ces entreprises ont demandé faussement des déductions fiscales de 18,9 millions de dollars entre 2003 et 2008, selon l'Agence. Ces fausses déductions leur auraient permis d'éluder le paiement de 4,1 millions d'impôts sur le revenu au fédéral. Une telle évasion fiscale constitue une fraude, selon l'Agence.

Au moment des infractions, les deux firmes étaient présidées par Antonio Accurso, dit Tony. Depuis peu, c'est sa fille, Lisa Accurso, qui en est présidente. Les entreprises comparaissent ce matin au palais de justice de Laval.

Les accusations de Revenu Canada font suite aux perquisitions réalisées dans les locaux de diverses entreprises de M. Accurso au printemps 2009. À l'époque, l'agence parlait d'un stratagème de fausses factures qui aurait permis aux firmes de réduire «frauduleusement» de 4,5 millions les profits imposables.

Bateau

Revenu Canada a poursuivi son enquête et constaté non seulement que les sommes des fausses factures seraient plus élevées, mais que les deux entreprises déduisaient aussi d'autres sommes auxquelles elles n'avaient pas droit. L'ensemble des dépenses déduites frauduleusement passerait donc de 4,5 millions à 18,9 millions.

Parmi les déductions auxquelles elles n'avaient pas droit pourraient figurer des dépenses engagées pour le fameux bateau de Tony Accurso, le Touch, à bord duquel des politiciens, syndicalistes et hommes d'affaires ont séjourné.

Les fausses factures constituent tout de même une bonne part des 18,9 millions, soit environ la moitié, selon nos sources. Pour obtenir ces factures, Louisbourg et Simard-Beaudry faisaient affaire avec des entreprises expertes dans le domaine. Parmi elles, Revenu Canada mentionne deux «coquilles vides» dirigées par l'homme d'affaires Francesco Bruno: Entretien Torelli et 3703436 Canada inc.

En mars dernier, Francesco Bruno a été accusé au criminel pour avoir fabriqué de telles factures pour les entreprises de M. Accurso et pour d'autres.

Selon les mandats de perquisition, Francesco Bruno et deux employés de Revenu Canada auraient notamment caché 1,7 million de dollars dans des paradis fiscaux en lien avec ces activités. Ils auraient utilisé un compte aux Bahamas géré par Martin Tremblay, ce financier québécois emprisonné pour blanchiment d'argent aux États-Unis.

Francesco Bruno est aussi président de la société B.T. Céramique. L'entreprise a ses bureaux dans un immeuble commercial appartenant au chef mafieux Vito Rizzuto, emprisonné aux États-Unis, et à son ex-conseiller Paolo Renda, porté disparu depuis le printemps dernier.

Quatre employés du fisc auraient participé au stratagème. Ils ne travaillent plus pour l'Agence aujourd'hui.

Une facture de plus de 10 millions

Louisbourg et Simard-Beaudry sont passibles d'une amende oscillant entre 50% et 200% de l'impôt éludé. L'amende est généralement fixée à 100% selon la jurisprudence, ce qui équivaudrait à 4,1 millions dans ce cas-ci.

Au total, les deux entreprises devraient donc acquitter l'impôt impayé de 4,1 millions à Revenu Canada, en plus d'une amende équivalente, pour un total de 8,2 millions. En ajoutant les sommes qui devraient être versées à Revenu Québec, la facture dépasserait les 10 millions pour les entreprises de Tony Accurso.

Les deux entreprises sont accusées en vertu de l'article 239 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Au printemps 2009, les limiers du fisc songeaient aussi à porter des accusations de fraude en vertu de l'article 380 du Code criminel, mais ce volet a été abandonné.

En vertu de l'article 239, un contribuable est passible non seulement d'une amende, mais aussi d'une peine d'emprisonnement de deux ans. Comme les entreprises ne peuvent être emprisonnées, elles sont seulement passibles d'une amende.

Joint par La Presse, Tony Accurso a refusé de commenter le dossier. «J'ai décidé de ne pas répondre aux questions», a-t-il dit avant de raccrocher.

- Avec la collaboration de William Leclerc