Le crime organisé est présent dans l'industrie de la construction et dans les syndicats, a déclaré hier le président de la FTQ-Construction, Yves Mercure. Exaspéré par la division qui règne au sein de l'organisme, M. Mercure a par ailleurs confirmé hier soir sur les ondes de Radio-Canada qu'il ne briguera pas un nouveau mandat l'automne prochain.

S'il est incapable de quantifier le phénomène ou de nommer les acteurs impliqués, l'homme à la tête du plus important syndicat de l'industrie de la construction affirme que le crime organisé s'intéresse bel et bien à ce milieu.

«C'est clair qu'il y a du blanchiment d'argent qui se fait (dans le secteur de la construction), alors le crime organisé a intérêt à s'y joindre, à s'y infiltrer pour blanchir son argent», a-t-il affirmé lors d'une entrevue avec La Presse.

La FTQ-Construction - qui représente environ 70 000 travailleurs de la construction - est sur la sellette depuis quelques années en raison de la diffusion de nombreux reportages qui ont fait état d'allégations d'irrégularités, de favoritisme et de liens entre des ex-dirigeants du syndicat et des gens soupçonnés d'être proches du crime organisé.

M. Mercure affirme que le crime organisé est présent «partout», dans tous les secteurs de la société. Il dit ne jamais avoir été témoin de gestes de corruption. Croit-il que le phénomène existe au sein de son propre syndicat?

«Pas plus à la FTQ-Construction qu'ailleurs, a-t-il répondu. Je dirais qu'il y en a un peu partout, donc je tiens pour acquis qu'il y en a également chez nous. Pas nécessairement dans les rôles clés. Ça peut être des membres, il pourrait y en avoir car on a déjà vu des permanents syndicaux être arrêtés.»

M. Mercure estime que le phénomène du travail au noir est l'une des causes de ce fléau. «Du côté patronal, il y a du blanchiment d'argent. Il y a des gens qui se sont infiltrés et qui ont entré de l'argent et, après, ils ont coincé nos travailleurs en disant: si tu ne travailles pas ici, va-t'en ailleurs.»

Yves Mercure quittera son poste l'automne prochain. Celui qui se décrit comme un «perfectionniste» dit vouloir se consacrer à temps plein à son travail de président-directeur général de la Fraternité nationale des charpentiers-menuisiers. Il se dit amer face à la bisbille interne qui a eu lieu au sein de la FTQ-Construction.

Il s'agit du troisième départ dans la direction du syndicat en moins d'un an. Au printemps dernier, le directeur général, Richard Goyette, et son adjoint, Alain Pigeon, ont quitté leur poste.

CCQ: Mercure se défend

Yves Mercure a également vivement réagi à la nouvelle selon laquelle la ministre du Travail aurait fait pression sur le président de la Commission de la construction du Québec (CCQ), André Ménard, pour qu'il quitte son poste.

Selon une source proche du dossier, la démission de M. Ménard devrait être annoncée aujourd'hui. Depuis 2004, les administrateurs de la CCQ ont dépensé 500 000$ pour assister à des congrès. M. Mercure, qui siège au conseil d'administration de la CCQ, a participé à deux de ces voyages. À son avis, les dépenses étaient pleinement justifiées.

«Ce n'est pas le gouvernement qui paie, c'est nous, c'est notre argent. Ce sont nos décisions, a-t-il affirmé. On administre pour 10 milliards de caisses de retraite par année, alors c'est normal qu'on aille se former sur la gestion de nos caisses de retraite. Ce n'est pas un party quand on va là-bas... Il faut quand même qu'on loge quelque part. Il faut qu'on se nourrisse, qu'on paie nos billets d'avion. Ce n'est pas du gaspillage, c'est un investissement.»