Les Irakiens entendent tourner dimanche la page des violences communautaires lors d'un scrutin législatif qui devrait consacrer l'hégémonie chiite sur le pays et le retour des sunnites dans le jeu politique, à quelques mois du retrait des troupes de combat américaines.

Principal enjeu des élections: la participation de toutes les communautés, et surtout des sunnites qui devraient retrouver le chemin des urnes après les avoir boudées en 2005, lors des premières législatives de l'après-Saddam.

Les quelque 19 millions d'électeurs choisiront 325 députés au terme d'une campagne relativement calme malgré les menaces d'Al-Qaeda. Une seule candidate a été tuée alors qu'il y a quatre ans la terreur avait été telle que les partis avaient refusé de divulguer l'identité de leurs candidats.

Selon l'ONU, les résultats préliminaires ne seront connus que le 18 mars et les résultats définitifs à la fin du mois.

Ces élections sont décisives «car elles interviennent à la veille du départ des troupes de combat américaines», affirme Joost Hiltermann, chercheur à l'International Crisis Group (ICG), basé à Bruxelles.

«Si des problèmes apparaissent, comme des fraudes, des violences dans la certification des résultats ou la formation du gouvernement, le calendrier de retrait américain pourrait être affecté.»

Le scrutin représente un test pour cette jeune démocratie et pour ses institutions, qui sont encore loin de fonctionner convenablement en raison de la corruption et de l'incompétence.

«Il ne s'agit ici ni plus ni moins que de fixer l'avenir de l'Irak», estime l'anthropologue irakien Hosham Dawood, basé à Paris.

Une forte participation des sunnites, qui représentent 23,6% de la population, rééquilibrera la donne politique et signifiera qu'ils acceptent le jeu politique malgré leur perte du pouvoir au profit des chiites (58,8%).

«Il est fort probable que les élections consolideront la position des sunnites, même s'ils se présentent divisés, d'autant que les chiites le sont aussi et que les Kurdes perdent progressivement leur statut de faiseurs de roi», insiste M. Dawood.

«En 2005, ce fut un vote identitaire et cette année c'est un vote utilitaire, car la population optera pour des candidats dont elle pense qu'ils pourront améliorer leur quotidien», résume le ministre communiste des Sciences et de la Technologie Raid Fahmi.

Pour se maintenir au pouvoir, le premier ministre Nouri al-Maliki, qui se targue d'avoir rétabli l'autorité de l'État depuis sa prise de fonction en mai 2006, a choisi de rompre avec ses anciens amis de la coalition chiite en présentant sa liste, l'Alliance de l'État de droit.

«Notre victoire est assurée. L'Alliance de l'État de droit sera la première et distancera largement» les autres candidats, a dit M. Maliki mercredi.

Il devra d'abord l'emporter sur ses anciens alliés chiites de l'Alliance nationale irakienne, et surtout sur le Bloc irakien, une liste laïque conduite par l'ancien premier ministre Iyad Allawi, fortement populaire chez les sunnites.

Mais, plus difficile, il devra être capable de nouer des alliances avec ses rivaux car le scrutin proportionnel ne permet pas de dégager une majorité absolue.

Le prochain gouvernement aura la tâche titanesque remettre en marche l'économie. «Il devra en priorité régler les problèmes des services publics, de l'electricité, de l'eau et du logement», estime Hamed Fadil, professeur de sciences politiques à Bagdad.

Pour y réussir, le gouvernement devra dépenser à bon escient l'énorme manne financière que devrait générer l'exploitation de ses réserves pétrolières. Elle devrait dégager 300 milliards de dollars au cours des sept prochaines années.

Il devra aussi trouver un compromis durable avec les Kurdes sur le dossier explosif des territoires disputés dans le nord et notamment Kirkouk.