À quelques heures de la sortie de son autobiographie Mon histoire, Julie Couillard a accordé hier une entrevue à notre journaliste Nathalie Petrowski. Bien qu'elle ne soit pas très tendre envers son ex-conjoint Maxime Bernier, la jeune femme assure qu'il ne s'agit pas d'un règlement de comptes.

Même si dans son livre, Julie Couillard traite Maxime Bernier de benêt, d'irresponsable coureur de jupons, imbu de lui-même, plus vaniteux que 10 vedettes de cinéma, méprisant envers les électeurs de la Beauce et faisant preuve d'une étonnante paresse intellectuelle, elle refuse d'accréditer la thèse du règlement de comptes.

 

«Un règlement de comptes? Moi? Pas du tout. Je n'avais pas le choix d'écrire ce livre. J'ai 39 ans et si je voulais continuer à vivre ma vie, il fallait absolument que je rétablisse les faits et que je répare ma réputation détruite par un ramassis de ragots et de mensonges. On m'a traitée de tous les noms. On a dit que j'étais une danseuse nue, une tenancière de bordel qui avait forcé de jeunes immigrantes à se prostituer et quoi encore! Maintenant, c'est à mon tour de parler.»

L'espace d'un instant, le beau regard de Julie Couillard devient d'un froid bleuté et glacial, et puis la glace craque et le charme magnétique, presque hypnotique, de la femme la plus médiatisée de l'année refait surface.

Nous sommes assises à table dans une suite de l'hôtel Saint-Paul dans le Vieux-Montréal. Julie Couillard est arrivée ici la veille en prévision d'une journée complète d'entrevues, à quelques heures de la sortie de son livre Mon histoire, dont la rédaction a été confiée à Serge Rivest. Cet ex-journaliste de TVA et ex-rédacteur de discours pour Lucien Bouchard et Marcel Masse s'est acquitté de la difficile tâche d'écrire la vie de Julie comme si c'était la sienne avec beaucoup de verve et de vivacité.

Le silence qui tue

Dans la lumière crue du jour comme sur toutes ses photos, Julie Couillard est d'une beauté à couper le souffle. L'ovale du visage est parfait, les dents d'une blancheur aveuglante et son regard bleu est par moments d'une telle intensité qu'on pourrait s'y noyer. Ce matin, l'ex-petite amie du ministre Maxime Bernier a troqué sa fameuse robe au décolleté plongeant, achetée à la boutique BCBG et bougie d'allumage du scandale politique de l'année, contre une tenue sage: jersey crème sur une jupe droite gris anthracite qui lui donnent des airs de vestale moderne.

Elle ne porte pas de vernis à ongles, peu de bijoux et dégage une discrète élégance qui ne cadre pas avec toutes les épithètes - Mata Hari du 450, mante religieuse, croqueuse de diamants, pute, escorte, fille de gars de bicycle -, dont on l'a affublée. Je lui demande s'il y a une expression qu'elle a trouvée plus difficile à digérer que les autres. Elle me répond que toutes lui sont restées en travers de la gorge, dans un français toujours aussi approximatif et métissé d'anglicismes.

En même temps, lorsqu'elle s'est elle-même mise à manier les épithètes, elle n'a pas été particulièrement tendre à l'égard de Maxime Bernier. «C'est vrai que c'est raide ce que je dis sur lui, concède-t-elle, mais quand je pense à toutes les saletés qui ont été dites à mon sujet et que Maxime a endossées par son silence, je trouve qu'en fin de compte, j'ai été pas mal plus douce que lui. Moi, vous savez, je suis de la vieille école, j'aime les gentlemen. Pas les peureux ni les faiblards.»

La madone et la putain

Je lui demande si elle est encore en colère.

«Qui ne le serait pas? répond-elle. Pendant un an, j'ai été la belle Julie, qui paraissait bien, qui était assez digne et distinguée pour accompagner monsieur dans les soirées, pour faire la conversation avec des ambassadeurs et même avec la première dame et le président des États-Unis. Et puis, du jour au lendemain, je suis devenue une putain, une escorte, la dernière des traînées, une honte! Tout ça m'a profondément blessée. De la part de Maxime, mais aussi de sa garde rapprochée au gouvernement. Tous ces gens qui étaient pourtant heureux que j'accompagne Maxime dans ses fonctions et qui ont été la source des pires accusations. Quelle trahison!»

Pas un conte de fées

Curieux mélange de timidité et de détermination, de charme et de froid calcul, de pragmatisme et de mégalomanie, Julie Couillard est difficile à saisir. On voudrait la croire sur parole, mais sa propension à toujours blâmer les autres ou alors à trouver des vertus à des types louches et dangereux comme Tony Volpato, un caïd de la mafia, ou à excuser et à idéaliser le sympathisant des Hells Gilles Giguère, l'homme de sa vie, qui a fini dans un ravin, le corps criblé de balles, laissent à désirer. Idem pour sa facilité à fermer les yeux sur les épisodes les plus violents de la guerre des motards et à faire comme si cela n'avait jamais existé.

En même temps, sa propre vie n'a pas été un conte de fées. Deuxième fille d'un père alcoolique, instable et flambeur, elle est née à Ville-Émard, a connu une enfance en dents de scie, vivant au gré des revers de fortune de son père, tantôt dans une maison cossue de Lorraine, tantôt dans un logement minable de Ville-Émard où venait cogner un cortège d'huissiers. À l'aube de l'adolescence, à la suite de problèmes de concentration et de crises de panique, les médecins découvrent qu'elle est atteinte d'épilepsie, une maladie qu'elle combat avec des médicaments depuis ce temps-là.

Plus douée en affaires qu'en amour

Pour le reste, sa vie, du moins celle qui est racontée dans le livre, ressemble à une longue suite d'échecs aussi bien professionnels qu'amoureux où tout ce qu'elle touche semble se transformer en poisse. Quel regard pose-t-elle sur cette vie pour le moins rock'n'roll?

«Disons que c'est la vie d'une femme qui a essayé de faire sa place au soleil avec les moyens qu'elle avait et avec son système D, dans un monde d'hommes. Ça n'a pas été facile, mais j'ai fait mon chemin pareil, d'abord avec mon agence de mannequins, puis dans l'immobilier et dans la construction comme entrepreneur général. Je crois que j'ai toujours été plus douée pour les affaires que pour l'amour. En amour, on dirait que je manque de jugement. Je rêve mes mecs et je tombe en amour avec une image sans voir ce qu'ils sont vraiment.»

Ainsi en fut-il avec Maxime Bernier qui lui a été présenté un soir d'été au Cavalli, dans un souper organisé par l'entrepreneur de Kevlar, qui souhaitait obtenir un contrat du fédéral. Pour une rare fois de sa vie, Julie Couillard rencontrait un type respectable, qui n'était pas dans la mafia, pas affilié aux Hells, pas arnaqueur ni usurier, pas criblé de dettes et pas marié.

«J'ai-tu pensé que j'avais fait un bon coup? Mets-en! Je venais de rencontrer un beau gars de mon goût. Un ministre à part de ça! Je me suis dit, je l'ai-tu l'affaire! Ma mère va être contente quand je vais lui présenter. Elle l'a été pour un boutte. Puis, à mon grand désappointement, il a fallu que je tombe sur le plus fucké des ministres. Coudonc, on dirait que le mauvais sort me poursuit!»

Dans la suite, les éclats de rire fusent devant cette femme qui malgré les deuils, les échecs, les erreurs et les épreuves de la vie, n'a pas perdu son sens de l'humour ni de l'autodérision. Je la quitte en lui souhaitant de rencontrer quelqu'un de bien, non sans savoir que si jamais Julie Couillard rencontre cette perle rare, il n'est pas dit qu'elle la reconnaîtra.