L'industrie canadienne de l'amiante ne s'inquiète pas du fait que deux industriels aient été reconnus coupables en Italie, hier, relativement aux décès liés à l'amiante de plus de 2000 personnes dans ce pays.

Jean-Louis de Cartier, de Belgique, et Stephan Schmidheiny, de Suisse, ont été condamnés à des peines de 16 ans de prison pour négligence à la suite d'un procès criminel historique.

Pour Guy Versailles, porte-parole de Balcorp, société qui veut relancer la mine d'amiante Jeffrey, à Asbestos, il y a peu de chances qu'une telle poursuite ait lieu au Canada.

«Il y a tellement de monde qui a regardé le dossier ici, il y a tellement d'avocats qui ont scruté l'industrie, s'il y avait eu un angle pour une poursuite, j'imagine qu'elle aurait déjà eu lieu», a-t-il affirmé.

Le tribunal italien a reconnu MM. de Cartier et Schmidheiny coupables de négligence en lien avec quelque 2000 décès attribués à une contamination à l'amiante, condamnant chacun à 16 ans de prison et à des amendes de plusieurs millions de dollars. La compensation moyenne est d'environ 45 000$ par demandeur.

Les deux industriels se sont succédé à la tête de la société Eternit, qui utilisait de l'amiante dans la fabrication de divers produits dans ses usines du Piémont.

Les procureurs avaient affirmé que les industriels n'étaient pas intervenus pour empêcher des fibres d'amiante de s'échapper des usines et de se propager dans toute la région. Ils avaient fait valoir que la contamination s'était poursuivie pendant des décennies. Les accusés ont nié avoir quoi que ce soit à se reprocher.

Le ministre italien de la Justice, Renato Balduzzi, a estimé qu'il s'agit d'un verdict historique. Il a ensuite déclaré sur les ondes de la chaîne Sky TG24 TV que la guerre à l'amiante n'est pas pour autant terminée et qu'il s'agit d'un problème mondial.

Des centaines de personnes, dont plusieurs ont perdu des proches en raison de maladies causées par l'amiante, s'étaient entassées dans la salle d'audience et deux salles à proximité pour la lecture du verdict. Plusieurs ont pleuré quand les condamnations ont été prononcées.

Opposition croissante au Canada

Alors que toutes les mines d'amiante sont actuellement fermées, le Canada fait face à un mouvement d'opposition croissant au pays et ailleurs à propos de son appui à l'industrie de l'amiante.

L'Institut du chrysotile a refusé de commenter le jugement italien. «Ça n'a rien à voir avec nous», a affirmé une employée de l'Institut, après avoir indiqué que son président, Clément Godbout, ne donnait pas d'entrevue à ce sujet.

La première mission de l'organisme établi à Montréal est de «favoriser l'adoption et la mise en vigueur de règlements, de normes, de méthodes de travail et de techniques appropriés à l'utilisation sécuritaire de l'amiante chrysotile». Il reçoit du financement de Québec et d'Ottawa et il a une influence sur la réglementation de l'amiante partout dans le monde. Il s'oppose en particulier au durcissement de l'Organisation mondiale de la santé à l'égard de la substance.

La propagation d'informations sur l'utilisation sécuritaire de l'amiante, qui provient surtout du Québec, a été soulignée au cours du procès Eternit comme un facteur qui a retardé les interventions pour protéger la santé des travailleurs.

De son côté, le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, a estimé hier que le verdict aurait peu d'impact sur les perspectives de l'industrie au Québec. «Notre position est que l'amiante au Québec est employé de façon sécuritaire et qu'il y a des acheteurs à l'étranger pour cet amiante, a-t-il dit. On peut s'attendre à ce que, dans ces pays, il soit aussi employé de façon sécuritaire.»

Le gouvernement Charest a promis une garantie de prêt de 58 millions de dollars pour la relance de la mine d'amiante Jeffrey.

- Avec PC et AP