Nick Clegg serait-il le Barack Obama britannique? Le nom du jeune chef du Parti libéral-démocrate est sur toutes les lèvres depuis sa performance éclatante au premier débat des chefs, le 15 avril. Le politicien au naturel désarmant a électrisé la campagne électorale. La cleggmanie tiendra-t-elle le coup jusqu'aux élections du 6 mai? Chose certaine, la donne politique britannique ne sera plus jamais la même.

Depuis le soir du 15 avril, l'histoire de la campagne électorale se résume en deux mots: Nick Clegg. Presque inconnu de l'électorat avant cette date, le chef des libéraux-démocrates s'est imposé lors du premier débat des chefs de l'histoire britannique.

 

Son style décontracté et ses brillantes boutades à l'endroit des «vieux partis qui s'échangent le pouvoir depuis 65 ans» ont séduit le public. Et ont déstabilisé ses rivaux.

«Plus ils s'attaquent l'un et l'autre, plus ils se ressemblent», a-t-il dit à 10 millions de téléspectateurs à propos du premier ministre travailliste, Gordon Brown, et de David Cameron, chef des conservateurs.

Nick Clegg a retiré le tapis sous les pieds de David Cameron, qui s'évertue à incarner le changement face à un Gordon Brown impopulaire.

Dans les 24 heures qui ont suivi, les libéraux-démocrates, situés au centre-gauche sur l'échiquier politique, ont récolté 185 000$ en dons.

Les sondages ont couronné Clegg grand gagnant de la joute verbale. Le lendemain, la firme YouGov a accordé au parti 30% des intentions de vote, juste devant les travaillistes et 3 points derrière les conservateurs. Du jamais vu dans l'histoire des libéraux-démocrates, qui n'avaient jamais fait mieux que 20%.

Le génie est sorti de la bouteille: Nick Clegg est devenu le chef de parti le plus populaire depuis Winston Churchill, a affirmé le Sunday Times.

La presse de gauche voit en l'homme de 43 ans un Barack Obama britannique. «Clegg a une qualité de transparence qui nous permet de projeter sur lui nos profondes aspirations», a écrit The Guardian.

Polyglotte et authentique

Mais qui se cache derrière le visage télégénique? Né d'un banquier russe et d'une mère néerlandaise, Nick Clegg est le plus cosmopolite des trois chefs. Il parle cinq langues.

Après un brillant passage à Cambridge, où il a étudié l'anthropologie et l'archéologie, Nick Clegg a travaillé plus d'une décennie pour la Commission européenne. Son patron d'alors, le parlementaire européen Lord Brittan, louange «son intelligence et son enthousiasme».

Depuis son élection à la tête des libéraux-démocrates en 2007, Nick Clegg exploite le désabusement des Britanniques à l'égard des «vieux partis». Il a touché une corde sensible chez les électeurs que La Presse a interrogés.

«Il a l'air plus authentique que Brown ou Cameron, dit Nick Elleray, 40 ans. J'ai trouvé ça rafraîchissant quand il a révélé avoir couché avec 30 femmes dans un magazine. Ce n'est pas Cameron qui aurait dit ça.»

«Je me méfie des cultes de la personnalité. Mais je prendrais bien une bière avec lui», dit de son côté Charlotte Reynolds, 32 ans.

«Yes we can»

La contre-attaque est toutefois virulente. La presse de droite l'a vertement critiqué jeudi. Le Daily Mail l'a même accusé d'avoir tenu des commentaires «nazis» il y a huit ans.

«Je suis probablement le seul chef à être passé de Winston Churchill à un nazi», a ironisé le principal intéressé.

Il n'a pas autant brillé jeudi, lors du second débat, nageant à contre-courant de l'opinion publique sur l'immigration (il veut amnistier les immigrants illégaux) et sur l'arsenal nucléaire qu'il aimerait réduire.

Les sondages l'ont néanmoins une nouvelle fois couronné vainqueur de la soirée. De justesse, cette fois-ci.

Son discours de clôture ressemblait au «Yes we can» d'Obama. «Les gens commencent à espérer que nous puissions faire quelque chose de différent cette fois-ci. Ne laissez personne vous dire le contraire: c'est possible», a-t-il dit.