Pour la première fois en 36 ans, aucun parti n'a été élu avec une majorité absolue aux élections britanniques. Les conservateurs de David Cameron, qui ont obtenu hier le plus grand nombre de sièges, clament la victoire. Toutefois, les travaillistes de Gordon Brown semblent résolus à s'accrocher au pouvoir. Le royaume se dirige-t-il vers une paralysie politique? Les négociations entre les principaux partis s'annoncent orageuses.

David Cameron pourra-t-il diriger la Grande-Bretagne avec un gouvernement minoritaire? Gordon Brown fera-t-il bloc contre les conservateurs grâce à une coalition avec Nick Clegg et ses libéraux-démocrates?

Le parti conservateur n'est pas parvenu à décrocher une majorité absolue lors des élections législatives de jeudi au Royaume-Uni, et ne peut donc prétendre automatiquement former un gouvernement, selon les résultats officiels portant sur 615 des 650 circonscriptions.

Vers 8H45 GMT, le parti conservateur comptait 290 députés (36,1% des suffrages) à la chambre des Communes, chambre basse du parlement de Westminster à Londres. Mais il ne restait que 35 circonscriptions dont les résultats n'avaient pas encore été dépouillés.

Même s'ils s'emparaient de la totalité de ces postes, les conservateurs ne pourraient décrocher la majorité absolue de 326 sièges sur les 650 de la chambre des Communes.

Et, si les conservateurs sont d'ores et déjà assurés de la victoire en sièges et en suffrages, le trophée du vainqueur, à savoir la direction du gouvernement, pourrait leur échapper si le parti travailliste au pouvoir --qui avait 247 sièges (29,2% des suffrages) à 8H45 GMT-- parvenait à former une coalition avec le parti libéral démocrate, détenteur de 51 sièges (22,9%) à la même heure.

Trois «défaites»

Ces résultats constituent une défaite pour les trois principaux candidats.

Le conservateur David Cameron n'aura pas obtenu le mandat clair qu'il souhaitait. Le premier ministre sortant Gordon Brown n'aura pas convaincu les 44 millions d'électeurs que ses compétences économiques feraient la différence. Et surtout, le libéral-démocrate Nick Clegg n'aura pas réussi à traduire sa soudaine popularité en nombre de sièges.

Les troupes de David Cameron ont interprété les résultats comme un rejet de Gordon Brown. Toutefois, plusieurs ministres travaillistes se disaient déjà prêts à s'allier avec les libéraux-démocrates pour former un gouvernement «fort et stable».

«Je pense que nous avons beaucoup de choses en commun avec les libéraux-démocrates», a dit à la BBC le ministre de l'Intérieur Alan Johnson, se disant même favorable à une réforme du mode de scrutin, tant souhaitée par Nick Clegg.

De son côté, le chef du parti libéral démocrate Nick Clegg a estimé déclaré que les Tories avaient la «priorité» pour tenter de constituer un nouveau gouvernement.

«Je pense qu'il revient maintenant au parti conservateur de prouver qu'il est capable de tenter de gouverner dans l'intérêt général», a déclaré celui qui, pendant la campagne, avait suggéré qu'il pourrait accepter de travailler avec le Labour, mais qu'il aurait du mal à collaborer avec M. Brown. Ces déclarations semblent aller à l'encontre des projets du Labour et pourraient être interprétées comme une intention de travailler avec les Tories.  

Un vrai casse-tête constitutionnel pourrait paralyser la classe politique: en l'absence d'un gouvernement majoritaire, Gordon Brown aurait toujours l'autorité de rester en poste. La légitimité d'une telle approche, en l'absence d'une victoire claire, serait toutefois discutable aux yeux des électeurs.

S'il n'en tient qu'à David Cameron, qui s'est exprimé tôt dans la nuit, heure locale, le Parti travailliste de Gordon Brown n'a plus «l'autorité pour gouverner» le pays.

Théoriquement, les partis disposeront de 12 jours pour s'entendre. Dans les faits, un gouvernement devra se former rapidement à cause du climat économique actuel. La livre sterling a reculé immédiatement à la suite de l'annonce d'un gouvernement minoritaire.

Bureaux de vote débordés

Une controverse s'amplifiait au cours de la nuit, alors que des électeurs affirmaient avoir attendu des heures sans avoir pu voter. Des scènes de colère ont éclaté dans plusieurs circonscriptions, dont celle de Nick Clegg, où des centaines de personnes n'ont pu pénétrer dans les bureaux de vote avant la fermeture.

«Je suis furieuse, a affirmé Kathy Murray, de Manchester, à la BBC. J'ai attendu pendant plus d'une heure et on m'a fermé la porte au nez.»

Les bureaux de vote semblent avoir été pris au dépourvu par le haut taux de participation au scrutin.

Plusieurs volontaires électoraux ont affirmé à La Presse hier avoir remarqué une hausse de l'affluence. «Au moins 60%», dit Sheree Prevatt, une bénévole dans le quartier de Soho, dans le centre-ville de Londres.

Beaucoup d'électeurs rencontrés prenaient ces élections à coeur.

Joanna King et sa mère Kathryn, toutes deux infirmes, ont voté pour les travaillistes à cause de l'amélioration des services de santé. «Il y a eu une grande amélioration. Les travaillistes défendent les intérêts des gens vulnérables comme nous», dit Joanna, résidante d'Islington.

Vote tactique

Amina Dbargh avait opté pour un vote tactique. Elle préférait le programme des libéraux-démocrate,s mais elle avait voté pour les travaillistes. «C'est la meilleure option pour empêcher David Cameron de devenir premier ministre», dit l'avocate.

Sharmita Saha, directrice d'une jeune entreprise, n'aimait pas la proposition de Gordon Brown de hausser les cotisations salariales pour réduire le déficit budgétaire. «Les conservateurs sont mieux à même d'encourager les jeunes entreprises», dit la femme de 34 ans.

Signe de la lutte serrée entre les trois partis, Isobel Clouter cherchait à parler à un des candidats de sa circonscription. «Je suis toujours indécise entre deux partis, dit-elle fébrilement. Je n'ai jamais vu autant de gens au bureau de vote. C'est très excitant.»

 

-Avec l'AFP