Selon toute vraisemblance, David Cameron sera le nouveau premier ministre britannique. N'ayant pu obtenir la majorité qu'il convoitait, le chef conservateur a entamé des pourparlers avec Nick Clegg et ses libéraux-démocrates. Mais il semble déterminé à diriger le pays, avec ou sans coalition. De son côté, Gordon Brown tient bon. Les prochaines heures s'annoncent cruciales pour l'avenir des Britanniques.

David Cameron a signalé la fin de 13 ans de règne des travaillistes sous Tony Blair et Gordon Brown hier. Le chef conservateur, dont les troupes ont remporté 307 circonscriptions contre 258 pour les travaillistes, est résolu à mener le prochain gouvernement, même minoritaire.

Son parti a manqué de 20 sièges la majorité absolue à la Chambre des communes.

Il s'est toutefois tourné vers les libéraux-démocrates pour former un gouvernement «stable, fort et harmonieux». «Je veux proposer une grande offre globale aux libéraux-démocrates, a dit l'homme de 43 ans en après-midi. Je veux que nous travaillions ensemble pour nous attaquer aux problèmes urgents du pays: la dette, les problèmes sociaux et le système politique brisé.»

David Cameron a déjà offert une première concession: un comité parlementaire qui étudiera la faisabilité d'une réforme électorale, une question chère aux libéraux-démocrates défavorisés par le système majoritaire à un tour.

Nick Clegg, dont le parti n'a pu faire mieux que 57 sièges, pourrait donc jouer les faiseurs de roi, comme il était pressenti lors de la campagne. Il avait lui-même tendu la perche aux conservateurs en matinée.

«Ayant obtenu plus de votes et de sièges mais sans majorité absolue, le Parti conservateur doit prouver qu'il est capable de gouverner dans l'intérêt national», a affirmé M. Clegg.

Jeu d'échecs politique

Gordon Brown a également tendu la main aux «Lib Dems». Il a toutefois concédé à ses rivaux la priorité de trouver un accord.

«Je comprends Nick Clegg de vouloir contacter d'abord le Parti conservateur... Si ces discussions échouent, je suis prêt à explorer un terrain d'entente entre nos deux partis», a affirmé le premier ministre.

Malgré la débâcle des travaillistes, il n'a pas effleuré l'hypothèse d'une démission. En théorie, la Constitution lui permet de demeurer premier ministre tant que l'impasse ne sera pas résolue.

Des stratèges conservateurs et libéraux-démocrates se sont rencontrés en soirée pour entamer les négociations. Leurs chefs David Cameron et Nick Clegg ont eu une conversation brève mais «constructive» en après-midi.

Une entente pourrait prendre la forme d'une coalition, avec des libéraux-démocrates dans un cabinet de ministres dirigé par David Cameron, a suggéré le chroniqueur politique de la BBC Nick Robinson.

L'entourage de Cameron espère arriver à un accord avant l'ouverture des marchés lundi matin. Il craint que l'absence prolongée d'un gouvernement clair n'affaiblisse la livre sterling. «Les yeux du monde sont tournés vers la Grande-Bretagne», a prévenu David Cameron.

Instabilité en vue

La balle est donc dans le camp de Nick Clegg. La plupart des analystes écartent une collaboration avec les travaillistes de Gordon Brown. Même s'ils semblent des alliés naturels de centre-gauche, les électeurs ne pardonneraient pas à Nick Clegg d'appuyer un parti ayant perdu 91 sièges.

Toutefois, une alliance avec les conservateurs ne serait pas de tout repos. Elle pourrait achopper sur plusieurs pommes de discordes qui divisent profondément Nick Clegg et David Cameron, dont l'immigration, l'arsenal nucléaire britannique et les relations avec l'Europe.

«Je ne crois pas qu'elle pourrait durer très longtemps, affirme James Panton, professeur en sciences politiques à l'Université d'Oxford. Je m'attends à de nouvelles élections d'ici la fin de l'année.»

Le politologue est d'accord avec le Times, qui interprète les résultats des élections comme une sanction envers la classe politique. Les électeurs sont les vrais gagnants du scrutin: ils ont obtenu le gouvernement minoritaire qu'ils désiraient.

«Le fossé entre la population et ses dirigeants ne fait que s'agrandir, explique M. Panton à La Presse. À force de manquer de vision, nos partis traditionnels sont dans un état de corrosion avancé.»