Qu'on l'appelle grippe A(H1N1), nouvelle grippe ou grippe mexicaine, pour nombre d'experts, si le virus est principalement porcin d'un point de vue génétique et qu'il a été engendré par des virus porcins, cela ressemble fort à une grippe porcine, n'en déplaise à l'OMS qui ne veut plus faire référence au porc.

Six des huit segments génétiques de la nouvelle souche virale proviennent de virus purement porcins et deux autres de virus aviaire et humain mais ayant vécu dans le porc depuis une décennie, selon le Dr Raul Rabadan, professeur de bio-informatique à l'Université Columbia. Une analyse préliminaire montre que les parents les plus proches de cette souche sont des souches du virus porcin d'Amérique du Nord et d'Eurasie, ajoute-t-il dans une contribution au réseau européen de surveillance.

«Scientifiquement, c'est un virus porcin», tranche le Dr Richard Webby, directeur du Centre de recherche sur la grippe à l'hôpital St-Jude de Memphis, au Tennessee, associé à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS). Ce virologue a travaillé il y a dix ans sur l'un des virus parents de la souche actuelle.

«C'est manifestement porcin. C'est un virus grippal venant du porc, il n'y a pas d'autre façon de l'appeler», assène Henry Niman, président de Recombinomics, une société américaine qui traque l'évolution des virus.

Le Dr Edwin Kilbourne, père du vaccin de 1976 contre la grippe porcine, trouve quant à lui «absurde» de vouloir nommer cette grippe sans faire référence à son aspect «porcin». On ne devrait pas jouer avec le nom de «grippe porcine», qui possède une signification spécifique quant à la stimulation d'anticorps, critique ce professeur de 88 ans.

Mais les autorités sanitaires américaines ne sont pas d'accord. ôôNous n'avons aucune idée d'où cela vient», affirme Michael Shaw, haut responsable du réseau des Centres de contrôle des maladies (CDC). «Tout le monde parle de 'grippe porcine', mais le terme le plus approprié serait «de type porcin»: cela ressemble aux virus que nous connaissons chez les porcs mais nous n'en connaissons pas la présence chez des porcs», explique-t-il.

Les autorités américaines ont décidé mercredi de parler désormais de virus 2009 H1N1, et l'OMS a annoncé jeudi qu'elle optait pour la grippe A(H1N1) parce que l'appellation de «grippe porcine» induisait en erreur et avait entraîné l'abattage massif de porcs dans certains pays.

La levée de boucliers contre la «grippe porcine» n'est pas non plus étrangère aux considérations économiques: l'industrie du porc représente 97 milliards de dollars. Or les experts sont unanimes sur le fait que manger du porc n'entraîne aucun danger d'attraper la grippe.

Le Dr Paul Glezen, épidémiologiste à Baylolr University, estime lui aussi que l'expression de «grippe porcine» est incorrecte, mais parce que la grippe porcine traditionnelle ne se propage pas facilement parmi les humains, contrairement à celle-ci.

Le Dr Rabadan avoue de son côté que, dans les conversations avec d'autres chercheurs, il parle parfois de «grippe porcine», voire de «grippe mexicaine». Un terme que le Mexique rejette absolument.

Le ministre de la Santé José Angel Cordova s'est insurgé contre l'appellation de «grippe nord-américaine» et encore plus contre celle de «grippe mexicaine», faisant valoir que les principaux gènes du virus étaient originaires d'Europe et d'Asie -alors que le Dr Rabadan et d'autres spécialistes affirment que quatre des six gènes purement porcins sont nord-américains.

Pour l'épidémiologiste en chef du Mexique en tout cas, rien ne sert de montrer qui ou quoi que ce soit du doigt. «Je crois que ce n'est pas juste d'accuser le Mexique, un pays, une personne ou une institution: la recombinaison des gènes dans le virus est un phénomène naturel», plaide le Dr Miguel Angel Lezana.