Québec n'hésitera pas à décréter l'état d'«urgence sanitaire» et à suspendre l'application des conventions collectives, si le scénario d'une pandémie de grippe A (H1N1) s'avère.

Dans cette logique de scénario catastrophe, le gouvernement se prévaudrait - pour la première fois - de l'article 123 de la Loi sur la santé publique, en invoquant l'état «d'urgence sanitaire» pour imposer sa loi par décret.

Ainsi, le gouvernement pourrait à la fois s'assurer d'une plus grande disponibilité du personnel du réseau de la santé et acquérir toute la souplesse de fonctionnement requise par la suspension de certaines dispositions des conventions collectives.

«En cas d'urgence, on prend des mesures d'urgence que le décret nous permettrait de faire», a indiqué le ministre de la Santé, Yves Bolduc, en conférence de presse à Montréal, lundi.

Chose certaine, si le virus fait des ravages, un effort exceptionnel et substantiel sera demandé au personnel hospitalier au cours des prochains mois.

Une contribution tout aussi exceptionnelle sera étendue aux infirmières à la retraite et aux étudiantes en soins infirmiers, qui seront appelées à la rescousse, pour faire fonctionner le réseau.

Si la situation l'exige, elles seront appelées à administrer les vaccins contre le virus ou à effectuer toute autre tâche requise, a indiqué une porte-parole du ministre Bolduc.

Ce dernier se prépare au pire, craignant que jusqu'à 2,5 millions de Québécois soient frappés par le virus dans les prochaines semaines, entraînant une pression jamais vue sur le réseau de la santé.

Avec son décret, présentement en préparation, Québec veut mettre toutes les chances de son côté pour s'assurer que le réseau suffira à la demande, dans tous les cas de figure.

Les centrales syndicales ont été informées des intentions de Québec et des scénarios qui se préparent.

«C'est la responsabilité de l'Etat» d'établir les conditions selon lesquelles le réseau devra s'ajuster à une pression exceptionnelle, a dit le premier ministre Jean Charest, lors d'un point de presse, à Lachute, en marge d'une annonce gouvernementale.

Dans ce contexte, les infirmières doivent s'attendre à faire de longues heures de travail, voire à renoncer aux jours de congés habituels.

De plus, leur tâche pourrait être modifiée: par exemple, une infirmière spécialisée en néonatalogie pourrait se retrouver aux soins intensifs, si le besoin se fait sentir.

Le mot flexibilité deviendra le mot d'ordre imposé au personnel du réseau, indique-t-on au cabinet du ministre Bolduc.

Tout sera mis en oeuvre pour éviter que le virus se propage et limiter les dégâts chez les patients atteints.

Québec prévoit que cette situation pourrait s'étendre jusqu'à 12 semaines, donc inclure le temps des Fêtes.

«Nous visons une utilisation optimale des compétences», a indiqué l'attachée de presse du ministre, Marie-Eve Bédard.

On craint que jusqu'à 10 pour cent des personnes frappées par la grippe A (H1N1) pourraient nécessiter une visite médicale, pouvant aller dans certains cas jusqu'à l'hospitalisation.

Idéalement, le ministre Bolduc espère par ailleurs vacciner 80 pour cent de la population, d'où le recours à toutes les ressources disponibles.

La vaccination, dans un premier temps pour les clientèles plus vulnérables, devrait normalement débuter dès la semaine prochaine, a précisé le ministre.

Le retour au travail des infirmières retraitées depuis quelques années et la contribution des étudiantes seront volontaires.

Le ministère de la Santé a en mains une liste de 5000 noms d'infirmières retraitées, dont bon nombre ont déjà été contactées pour connaître leur disponibilité.

Avant d'appliquer le décret et d'appeler en renfort les infirmières retraitées et les étudiantes, on épuisera les autres moyens disponibles pour réorienter les ressources actuelles à l'intérieur du réseau, en reportant par exemple les chirurgies non urgentes, a expliqué Mme Bédard.