Le Québec pourrait réussir à échapper à la troisième vague de grippe A (H1N1) attendue en 2010 grâce à l'effort sans précédent déployé en 2009 pour lutter contre le virus.

C'est du moins ce que croit et espère le directeur national de la santé publique du Québec, le docteur Alain Poirier. «Je pense qu'on n'aura pas de troisième vague. On aura encore probablement des cas mais sûrement pas, selon moi, de vague. Il y a des équations mathématiques qui nous permettent de dire ça. Le taux d'efficacité, le pourcentage d'efficacité de ce vaccin-là est tellement bon que je pense qu'on a en toute probabilité décapité la troisième vague.»

Le Dr Poirier fait valoir que plus de 55% de la population a été vaccinée, nombre auquel il faut ajouter environ 1,8 million de citoyens immunisés naturellement puisqu'ils ont été infectés. «Le virus va continuer de circuler et tout le monde n'est pas protégé. Il y a toujours des gens susceptibles, mais pas suffisamment d'après moi, pour permettre à une troisième vague d'avoir lieu.»

L'apparition et la propagation du virus, de même que l'artillerie déployée pour y faire face aura d'ailleurs été le fait marquant de 2009 en matière de santé, tant au Québec que dans le monde entier.

C'est à la fin du mois d'avril 2009 que le virus a été identifié par le laboratoire de santé publique de Winnipeg, au Manitoba. Les échantillons provenaient du Mexique, où une épidémie laissait les autorités locales perplexes.

Dès ce moment, le monde entier a été placé en état d'alerte et l'actualité, durant les mois de mai et juin, a pris des allures de voyage autour du monde alors que chaque journée faisait état de nouveaux cas dans de nouveaux pays jusque-là épargnés.

Au Canada, on recensait le premier cas avant la fin du mois d'avril et le premier au Québec au début de mai.

Le 11 juin, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) déclarait officiellement la pandémie et portait son niveau d'alerte à 6, soit le maximum de son échelle.

Il s'agissait de la première pandémie du millénaire, après les trois dernières ayant marqué le XXe siècle: grippe espagnole (virus de type H1N1 en 1918 - 40 à 50 millions de morts selon les estimés); grippe asiatique (virus de type H2N2 en 1957 - 2 millions de morts); grippe de Hong Kong (virus de type H3N2 en 1968 - 1 million de morts).

Bien qu'il s'agisse de la même souche que la grippe espagnole, les experts annonçaient à leur grand soulagement le 1er mai que le virus n'avait pas subi les mêmes mutations qui l'avaient rendu si dévastateur en 1918.

En bout de ligne, la population s'en est bien tirée, note le Dr Poirier. «Nous étions très content que ce ne soit pas un dérivé du H5N1, qui est encore présent mais qui ne circule pas chez les humains. Pour les 400 cas sur la planète qui ont fait le H5N1, 60% sont décédés.»

Relativement bénin, donc, mais pas tout à fait inoffensif: le 8 mai, une première victime canadienne, une résidente de l'Alberta dans la trentaine ayant des problèmes de santé sous-jacents, décédait de la grippe. Un mois plus tard, le 8 juin, un premier décès était constaté au Québec où l'on recensait alors 542 cas de grippe.

À la mi-juillet, l'OMS demandait que l'on cesse le décompte de cas, la pandémie étant confirmée.

Mais déjà, la première vague tirait à sa fin et, devant l'absence d'hécatombe, la population canadienne et québécoise a commencé à se montrer de plus en plus confiante. L'évolution des sondages est d'ailleurs révélatrice: au début d'août, 60% des Canadiens disaient vouloir se faire vacciner. Cette proportion avait chuté à 45% au 1er septembre pour atteindre un creux de 33% au début d'octobre.

À la mi-octobre, le ministre de la Santé, Yves Bolduc, disait craindre que jusqu'à 2,5 millions de Québécois soient atteints du virus à terme et disait espérer que 80% de la population se fasse vacciner.

Mais aucune campagne de sensibilisation n'aurait pu sonner l'alarme de manière aussi brutale et dramatique que le décès d'un jeune hockeyeur ontarien de 13 ans, Evan Frustaglio, foudroyé en 36 heures le 26 octobre, soit le jour même du lancement de la campagne de vaccination massive au Québec, comme le reconnaît le Dr Poirier.

«Cette histoire-là, pour les gens qui n'avaient pas encore compris qu'il y avait bel et bien un risque de décès, a mis en lumière cette possibilité. Ce qui a été très important, c'est que les parents ont bien voulu le médiatiser. Les histoires individuelles parlent beaucoup plus que nos statistiques. Tout le monde qui a vu l'histoire de ce petit garçon de 13 ans, c'est difficile de ne pas être touché et ça fait réaliser que ça peut arriver.»

Et ce qui devait arriver arriva: ce fut la cohue dans les centres de vaccination, les longues files d'attente, les heures passées sans obtenir le fameux vaccin. Dès le 31 octobre, le ministre Bolduc lançait un appel au calme.

Pendant ce temps, le réseau s'ajustait tant bien que mal sur le terrain, souligne le docteur Poirier. «Comme on n'avait jamais vacciné tout le Québec en urgence, on s'attendait à apprendre à mesure. Les coupons, ç'a été un des fameux ajustements quand tout le monde s'est rué dans les premiers jours.»

La semaine suivante, le 7 novembre, Québec annonçait l'ouverture d'une vingtaine de cliniques de grippe afin de désengorger les urgences, la deuxième vague sévissant en même temps que la vaccination et s'avérant assez intense chez plusieurs de ses victimes.

C'est finalement à la fin de novembre que la situation s'est stabilisée, les autorités déclarant que le sommet de la vague était atteint. Les jours suivants devaient leur donner raison au point où, le 14 décembre, Québec annonçait la fermeture de la plupart des centres de vaccination massive, faute de demande.

En bout de ligne, la première vague aura fait 26 décès au Québec et on en comptait 78 autres en date du 17 décembre comme bilan de la deuxième vague.