La mélodie est envoûtante et se réverbère dans le long tunnel qui mène à la sortie du métro Snowdon. Guitare, mini-cymbales, tambour s'unissent en une mélopée dont le rythme s'accélère graduellement, comme un coeur sous pression. Lorsqu'elle atteint son paroxysme, la musique cesse brusquement. Buruji Dasa et Harikhata Dasa ont fini de réciter le mantra qui purifiera l'âme des passants du métro.

Le long des murs de béton sale, Buruji et Harikhata ont étendu leur couverture aux mille rayures de couleur. Ils ont étalé leurs livres : plusieurs exemplaires de la Baghavad Gîta, le livre saint des hindous. Puis, ils ont pris leurs instruments et entonné leur chant.« Nous chantons le nom du Seigneur. Cette vibration, qui n'est pas humaine mais divine, purge les coeurs des gens qui sont dans le métro de leurs pensées impures. Comme la colère, la luxure », explique Buruji.

Les deux moines sont jeunes : ils n'ont pas 30 ans. Buruji est Blanc, Harikhata est mulâtre. Ils sont tous deux vêtus des traditionnels pantalons amples, orange ou blanc. Ils portent tous deux le signe traditionnel des krishnas, tracés en jaune sur leur front et leur nez. Ils ont le crâne rasé et la voix puissante.

Buruji est arrivé au Québec en 2002 avec ses parents, de sa Slovaquie natale. Il a adhéré au mouvement Hare Krishna à 21 ans. À la lecture des oeuvres du maître Bhaktivedanta Swami Prabhupada, il a vu la lumière. Mais attention, pas n'importe quelle lumière, celle du mouvement original Hare Krishna. Car vous l'ignoriez peut-être, mais certains adeptes, au fil des ans, « ont perverti le mouvement », indique Buruji.

« Nous voulons faire revivre l'esprit d'origine du mouvement. » Les adeptes, qui recrutent sur l'internet, organisent donc des festins végétariens et des lectures de la Baghavad Gîta chaque semaine.

Les deux jeunes moines reprennent leur chant. Hare Krishna, Hare Krishna, Krishna, Krishna, Hare, Hare. Les passants défilent, les écoutant d'une oreille distraite. Certains jettent une obole dans leur bonnet. Ils ignorent qu'en ayant entendu cette mélodie, dans ce tunnel gris du métro Snowdon, ils pourront peut-être échapper aux circonvolutions les plus sombres de leur karma.