Les Québécois sont ambivalents face à la mission canadienne en Afghanistan, selon un sondage mené pour le compte des Forces armées canadiennes, que La Presse a obtenu. D'une part, ils ont une bonne opinion des soldats et, d'autre part, ils sont en désaccord avec leur présence dans ce pays.

Ce sondage Léger Marketing avait été commandé par la Défense nationale à la veille du départ des premiers soldats de Valcartier. Intitulé Attitudes et connaissances envers les Forces canadiennes au Québec, il a été réalisé en quatre vagues d'une ampleur considérable: 3000 Québécois de 16 ans et plus ont été consultés en juin 2007, puis 1000 personnes en août 2007 (au moment du déploiement), 1000 personnes en février 2008 (au moment du retour) et 3000 en mai 2008.

D'après ce rapport, le déploiement des Québécois n'a pas causé la catastrophe appréhendée dans l'opinion publique. Les images des soldats blessés ou tués dans des attentats n'a que légèrement modifié leur perception de la mission en Afghanistan. Les Québécois y étaient à peine un peu plus réfractaires en mai 2008 qu'en juin 2007: le pourcentage de répondants opposés à la présence du Canada en Afghanistan est passé de 61% à 66% au fil des mois.

En outre, l'appui aux troupes est resté inchangé entre le début et la fin de l'enquête: 78% des Québécois affirmaient en 2007 et en 2008 qu'ils appuyaient les troupes canadiennes, et 60% déclaraient avoir une opinion positive des Forces canadiennes en général.

«Les gens marquent une différence très nette entre l'organisation militaire et les décisions politiques qui dictent ses actions», observe l'analyste militaire et lieutenant-colonel à la retraite Rémi Landry. Ils ont une bonne opinion du travail et du professionnalisme des militaires, ce qui peut s'expliquer facilement par leurs interventions pendant la crise du verglas, notamment. Mais ils restent cohérents avec leurs positions historiques, plutôt en désaccord avec l'utilisation de la force militaire dans des conflits.»

Le fait que les perceptions aient peu varié s'expliquerait aussi par le fait que les Canadiens n'ont pas commis de bavure pendant cette période. «Les militaires ne se sont pas embourbés, comme en Somalie, et ils ont montré qu'ils sont capables de faire un travail onusien de maintien de la paix», souligne l'analyste. Il y a fort à parier que les images des soldats qui embrassent femme et enfants à leur retour de mission ont aussi eu un certain effet positif. Et Ottawa a évité le choc d'un attentat qui aurait emporté plusieurs soldats d'un coup, avec des conséquences potentiellement désastreuses dans l'opinion publique.

Communication réussie?

Même si les Québécois appuient les soldats de Valcartier sans égard à leur mission, Rémi Landry ne va pas jusqu'à conclure que les stratégies de communication des Forces armées ont atteint leurs cibles. «Les positions restent très polarisées, et il est maintenant trop tard pour le gouvernement réussisse à convaincre les Québécois qu'il était de l'intérêt du Canada d'intervenir en Afghanistan», dit-il. Le sondage indique d'ailleurs qu'à peine un Québécois sur six est intéressé à obtenir plus d'information sur le but précis de la mission.

- Avec la collaboration de William Leclerc