La Croix-Rouge n'a pas discuté de torture de prisonniers au cours de ses rencontres avec des membres haut placés du gouvernement fédéral à partir de juin 2006, a affirmé jeudi le ministre de la Défense, Peter MacKay. Les partis de l'opposition l'ont encore une fois accusé de cacher la vérité.

Frustrés du manque du manque de transparence du gouvernement dans cette affaire, ils ont lancé jeudi un message public, destiné principalement aux fonctionnaires fédéraux: tous ceux qui détiennent des informations devraient les leur faire parvenir - par n'importe quel moyen, dans des «enveloppes brunes» ou autrement.«C'est un geste honorable à faire lorsqu'un gouvernement ne dit pas la vérité», a lancé le critique libéral en matière de défense, Ujjal Dosanjh.

«C'est une question de conscience», a renchéri Gilles Duceppe.

Pas question de torture

Des notes consultées par La Presse Canadienne plus tôt cette semaine indiquent que des rencontres ont eu lieu à Genève, à Kandahar et à Ottawa pour parler d'un «manque de cadre judiciaire» et du fait que «toutes sortes de choses se passent».

De tels termes pourraient vouloir dire de la torture, selon au moins un expert et des députés du Bloc québécois, du NPD et du Parti libéral, qui ont pressé le gouvernement de questions à ce sujet, jeudi.

Mais le ministre MacKay, qui était ministre des Affaires étrangères à l'époque, l'a nié, disant que ces rencontres ne portaient pas sur la question «des conditions dans les prisons, mais plutôt sur des discussions routinières à propos des responsabilités du Canada».

Or, si contrairement à ce qu'a affirmé M. MacKay, la torture était effectivement à l'ordre du jour de ces réunions, cela signifierait que le diplomate Richard Colvin n'était pas le seul à lancer des signaux d'alarme en haut lieu à partir du printemps 2006, pour tenter de régler le problème de torture des détenus remis par les militaires canadiens aux autorités afghanes.

Richard Colvin, qui a occupé un poste important à l'ambassade canadienne de Kaboul de 2006 à 2007, a déclaré dans un comité parlementaire spécial il y a deux semaines que tous les détenus remis par le Canada à l'Afghanistan avaient sans doute été torturés et qu'il avait tenté d'alerter ses supérieurs à plusieurs reprises - en vain.

Depuis, le ministre de la Défense, Peter MacKay, a fini par admettre qu'il avait eu vent de certaines allégations, mais qu'aucune d'entre elles n'avait été prouvée. Le Canada a néanmoins changé son protocole de transfert de détenus en mai 2007, près d'un an après les premières notes de M. Colvin, dont certaines ont été envoyées au bureau de M. MacKay.

Hier, le ministre a expliqué ce délai en disant que ce genre de changement ne pouvait pas se faire en aussi peu de temps qu'il n'en faut pour peindre le mur d'une prison. «Nous avons agi lorsque nous avons eu des preuves crédibles, en particulier des preuves qui se rapportaient aux détenus dont nous étions responsables, c'est-à-dire des prisonniers talibans transférés par les Forces canadiennes», a-t-il précisé.

«Si le gouvernement a jugé bon de revoir le protocole de transfert des prisonniers en mai 2007, c'est qu'il y avait des problèmes avec le traitement des prisonniers avant 2007», a répliqué Gilles Duceppe au cours de la période de questions.

«Or, s'il y avait des problèmes, c'est donc qu'il y avait risque de torture et il a pourtant continué à transférer les prisonniers. Ce faisant, le gouvernement va-t-il admettre que de 2006 à mai 2007, il a violé la convention de Genève?» a demandé M. Duceppe.