Dans une volte-face qui a eu l'effet d'une bombe sur la colline parlementaire, mercredi, le chef d'état-major des Forces armées canadiennes, Walter Natynczyk, a admis qu'un prisonnier transféré par des militaires canadiens à la police afghane en juin 2006 avait été victime de mauvais traitements.

Le général est ainsi revenu sur des affirmations qu'il avait faites la veille devant un comité parlementaire et dans une déclaration publique en mai 2007, selon lesquelles le prisonnier en question n'avait pas été transféré par les Canadiens.La déclaration a aussi ébranlé la version du gouvernement Harper, qui affirme la même chose que le général depuis plusieurs jours et qui martèle depuis le mois dernier qu'il n'existe aucune preuve que des détenus transférés aux autorités afghanes par le Canada ont été maltraités ou torturés.

«On n'a jamais réussi à prouver une seule allégation de mauvais traitements infligés à un prisonnier, taliban ou autre, transféré par les Forces canadiennes. Voilà les faits», a déclaré le ministre MacKay le 2 décembre dernier.

Or, sur la foi d'un rapport dont il a juré n'avoir pris connaissance que mercredi matin, le général Natynczyk a admis qu'il avait fait fausse route. «Un individu qui était sous l'autorité des Forces canadiennes et dont la police afghane a assuré la garde a été victime de mauvais traitements», a-t-il reconnu.

Dans le rapport en question, un militaire canadien relate comment, le 14 juin 2006, lui et son équipe ont appréhendé un automobiliste, «selon toute probabilité un taliban» et comment ils l'ont remis à la police afghane.

«Nous avons photographié l'individu avant de le transférer pour nous assurer que, si la police nationale afghane l'agressait, comme c'est arrivé dans le passé, nous aurions des preuves visuelles de sa condition», peut-on lire dans le rapport, rédigé en anglais.

Dans ses notes reproduites dans le Globe and Mail lundi, un soldat a raconté que, quelques jours plus tard, les militaires canadiens l'ont secouru alors que, menotté, il était entouré de cinq ou six policiers afghans qui le battaient avec des souliers ou des bottes, tandis que du sang coulait sur son visage.

Le général a déclaré qu'il ne pouvait pour l'instant dire si, lors de cet incident, le Canada avait contrevenu à ses obligations internationales contre la torture. Il a aussi été incapable d'expliquer pourquoi il n'avait été informé de l'existence de ce rapport que mercredi, soit trois ans après les événements.

«C'est pourquoi je pense qu'une enquête vaudrait la peine, pour déterminer ce que nous savions, ce que les soldats savaient sur le terrain, au moment de transférer cet individu», a-t-il déclaré. Il a toutefois précisé que la décision de tenir une enquête publique revenait au gouvernement.