Le Canada est sur le point d'entamer ce qui doit être sa dernière année complète de combat à Kandahar, au moment même où les Etats-Unis déploient davantage de soldats dans la province ravagée par la guerre, en prévision de ce que les experts qualifient d'ultime confrontation avec les talibans.

Les affrontements en Afghanistan auront vraisemblablement comme toile de fond la controverse politique qui sévit présentement à Ottawa concernant la torture présumée de prisonniers afghans remis par l'armée canadienne aux autorités locales au début du conflit, ce que le gouvernement conservateur savait à ce sujet et ce qu'il a fait pour remédier à la situation.

Il ne fait pas de doute que 2010 sera une année décisive pour la guerre afghane qui dure depuis huit ans.

Le commandant en chef de l'Organisation du traité de l'Atlantique Nord (OTAN) et l'artisan de la nouvelle stratégie de combat a récemment déclaré qu'il faudra attendre la fin de 2010 pour que les alliés sachent s'ils gagnent ou s'ils perdent.

Qu'il le veuille ou non, le gouvernement conservateur aura un choix à faire: se retirer en 2011 comme prévu et risquer de s'aliéner l'administration de Barack Obama, continuer le combat dans la foulée du nouvel effort de guerre, ou encore trouver un autre moyen de poursuivre son action en sol afghan.

Tous les membres du gouvernement, y compris le premier ministre Stephen Harper, ont beaucoup insisté sur le fait que le but était de demeurer actif, mais sans combattre. Une position que les critiques remettent en question étant donné l'instabilité qui règne à Kandahar.

Le général américain Stanley McChrystal, qui commande la Force internationale d'assistance à la sécurité (FIAS), a audacieusement prédit que, d'ici juillet 2011, l'OTAN serait en mesure de se tourner vers les Afghans et de déclarer que les talibans ne gagneraient pas.

Cela coïncide avec le moment où Washington prévoit commencer à réduire le nombre de soldats américains en Afghanistan, un échéancier qui concorde avec celui établi il y a longtemps par Ottawa.

Mais le général McChrystal comme le président Obama ont tous les deux affirmé dans de récentes entrevues que l'ampleur du retrait et la vitesse à laquelle il s'effectuerait dépendront de la situation sur le terrain. Plusieurs spécialistes ont indiqué que les raisons qui avaient poussé le Canada à se rendre à Kandahar en 2005 et 2006 - notamment le désir de ne pas déplaire à son plus important partenaire économique - étaient toujours d'actualité.

Par ailleurs, tout indique que Kandahar, patrie des talibans et province pour laquelle les Canadiens se sont battus et sont morts durant les quatre dernières années, sera un champ de bataille important.

Le général McChrystal a qualifié la capitale de la province de Kandahar de «ville la plus importante sur le plan stratégique en Afghanistan», parce que sa prise est l'objectif ultime des talibans. Il a laissé entendre qu'une grande partie des 30 000 soldats américains envoyés en renfort seraient déployés dans cette région.

On compte présentement 6000 militaires canadiens, américains et afghans dans la province de Kandahar, et un groupe d'experts de Washington a estimé l'automne dernier qu'il en faudrait 15 800 de plus pour mater la rébellion talibane.

Pendant que les soldats canadiens en sol afghan commenceront une nouvelle année qui pourrait se révéler capitale, la gestion du dossier des détenus afghans possiblement torturés par les conservateurs retiendra probablement toute l'attention à Ottawa.

Les déclarations du diplomate Richard Colvin, qui a soutenu que le gouvernement fédéral connaissait les risques encourus par les prisonniers et qu'il avait ensuite tenté d'étouffer l'affaire, ont fait beaucoup de vagues au Parlement durant l'automne.

L'opposition a réclamé une enquête publique, demande étayée par de nombreuses fuites d'information qui ont passablement miné les tentatives des ministres fédéraux pour défendre le gouvernement.

Même le chef d'état-major de la Défense nationale, le général Walt Natynczyk, a entaché la crédibilité du gouvernement en révélant au début de décembre qu'un présumé taliban remis par l'armée canadienne à la police afghane avait été battu.

Si les conservateurs espèrent que le long congé des Fêtes aura permis aux esprits de se calmer, les partis de l'opposition souhaitent quant à eux que les audiences parlementaires à ce sujet reprennent avec la nouvelle année.