Des agents du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) ont joué un rôle crucial dans les interrogatoires de combattants talibans capturés par les troupes de la coalition internationale en Afghanistan, selon ce qu'a appris La Presse Canadienne.

Les espions du SCRS ont travaillé de concert avec des agents de renseignements de la police militaire, alors que le conflit afghan a commencé à devenir hors de contrôle en 2006, selon des documents fortement censurés déposés auprès de la Commission d'examen des plaintes concernant la police militaire.

Jusqu'à présent inconnu, le rôle joué par l'agence dans les interrogatoires de détenus ajoute une nouvelle dimension à la controverse provoquée par le traitement réservé aux prisonniers par les forces de sécurité afghanes.

Il soulève également davantage de questions quant aux premières années critiques de la présence des Forces canadiennes à Kandahar, lorsqu'elles se sont retrouvées impliquées dans une guérilla à laquelle elles ne s'attendaient pas.

Le SCRS a reconnu en 2006 que ses membres avaient recueilli des renseignements en Afghanistan. Toutefois, le rôle précis joué par l'agence était demeuré mystérieux.

Le major Kevin Rowcliffe, ancien conseiller d'état-major du commandant des opérations canadiennes à l'étranger, a affirmé à des enquêteurs de la commission d'examen des plaintes que des doutes existaient quant à l'expérience des agents de renseignements de l'armée pour cuisiner les détenus.

«Il y avait pas mal de discussions dans notre quartier général quant à savoir qui était qualifié pour mener les interrogatoires, parce que nous ne parlons pas ici d'interrogatoires de police, nous parlons d'interrogatoires que (censuré) faisaient, pas (la police militaire)», est-il possible de lire dans le compte rendu d'un entretien ayant eu lieu le 6 décembre 2007.

Une copie de ce document a été obtenue par La Presse Canadienne.

La police militaire «était impliquée dans ça, mais elle n'était pas nécessairement impliquée dans les questions relatives aux entretiens ou aux interrogatoires. Ce serait (censuré) ou d'autres gens qui avaient obtenu une formation spéciale pour les interrogatoires.»

Des sources ayant eu accès au document non censuré ont indiqué que les passages supprimés concernaient le SCRS.

Wesley Wark, spécialiste des questions de renseignement, affirme que ces révélations sont troublantes.

«Je trouve ça stupéfiant», a déclaré M. Wark, historien à l'Université de Toronto.

Le SCRS est autorisé par la loi à recueillir des renseignements partout dans le monde au sujet de toute menace à la sécurité du Canada. Depuis quelques années, ses agents sont d'ailleurs de plus en plus actifs à l'étranger.