Les commentaires du président afghan, Hamid Karzaï, à l'effet qu'il pourrait se rallier aux talibans si les gouvernements occidentaux n'arrêtent pas de s'immiscer dans les affaires internes de son pays, sont «complètement inacceptables», juge le premier ministre canadien Stephen Harper.

«Je n'ai pas vu le contexte des propos du président Karzaï, mais les propos qui ont été rapportés sont tout à fait inacceptables», a affirmé mercredi le premier ministre Harper.

Dans les derniers jours, le chef d'État afghan a multiplié les déclarations controversées, martelant le thème de «l'ingérence américaine» et accusant notamment l'ONU et les pays occidentaux d'avoir orchestré les fraudes électorales qui ont entaché le scrutin présidentiel de l'été dernier.

Cette semaine, des parlementaires afghans, cités par le Wall Street Journal, ont affirmé que le président Karzaï aurait déclaré, samedi dernier, qu'il pourrait se joindre à l'insurrection talibane si les Américains et leurs alliés n'arrêtaient pas de faire pression sur lui pour qu'il s'attaque à la corruption et entreprenne des réformes. La Maison-Blanche n'a pas caché son inquiétude, mardi, face à ces déclarations explosives, remettant même en question la prochaine visite du président Karzaï à Washington, prévue pour le 12 mai. Le président américain Barack Obama a lui-même fait une visite-surprise dans la capitale afghane, Kaboul, le 28 mars dernier, faisant justement la promotion des réformes qu'il juge nécessaire d'entreprendre en Afghanistan.

Alors que le Canada subit de plus en plus de pressions de tous les côtés pour prolonger son engagement militaire au-delà de la date butoir de 2011, le premier ministre Harper, de passage à Mississauga, a réagi pour la première fois mercredi à l'escalade de déclarations controversées du président Karzaï.

«Nous avons des hommes et des femmes qui risquent leur vie pour aider la population afghane dans sa lutte contre les talibans. Ces remarques n'aident en rien et, dans le contexte du travail dangereux que font nos gens sur le terrain, c'est complètement inacceptable pour le Canada et je suis sûr que c'est la même chose pour l'ensemble de nos alliés», a dit M. Harper.

Sur les ondes de CTV, l'ambassadeur afghan au Canada, Jawed Ludin, a jugé que la «menace» de se rallier aux talibans était «ridicule» et qu'il ne fallait pas prendre les remarques d'Hamid Karzaï au premier degré, mais plutôt dans un contexte plus large, incluant le fait que le président subit d'intenses pressions pour assurer le soutien de la population afghane aux opérations de l'OTAN.

À Kaboul, un porte-parole du chef d'État afghan, Waheed Omar, a aussi tenté de calmer le jeu, réitérant l'engagement féroce du gouvernement Karzaï dans la lutte aux talibans et niant que le président ait menacé de se joindre aux insurgés.

Le Canada compte environ 2800 soldats en Afghanistan. La semaine dernière, la secrétaire d'État américaine, Hillary Clinton, de passage à Ottawa, disait espérer que le gouvernement canadien s'engage à maintenir des soldats en sol afghan après la fin de sa mission de combat, en 2011, afin notamment d'aider à la formation des soldats afghans, à Kaboul.

Mais le gouvernement conservateur maintient ferme sa position de retirer d'Afghanistan l'ensemble de ses troupes en 2011, tel que le prévoit une motion adoptée à la Chambre des communes en 2008. Ottawa entend poursuivre son engagement envers l'Afghanistan par d'autres moyens, notamment l'aide au développement.

- Avec La Presse Canadienne et l'Agence France-Presse