Le ministre de la Défense, Peter MacKay, juge «normal» que les soldats canadiens en mission à Kandahar capturent et transfèrent aux autorités afghanes deux fois plus de prisonniers que leurs alliés de l'OTAN étant donné qu'ils se trouvent dans la province la plus dangereuse de l'Afghanistan.

Réagissant aux statistiques colligées par la Commission indépendante des droits de la personne en Afghanistan (CIDPA) et dévoilées hier par La Presse Canadienne, le ministre MacKay a soutenu que les troupes canadiennes doivent affronter plus d'insurgés talibans que les soldats des autres pays membres de la coalition.

 

Selon la CIDPA, les soldats canadiens ont transféré, entre janvier et septembre 2009, 163 prisonniers à la Direction nationale de la sécurité (DNS), reconnue pour se livrer à des actes de torture sur les détenus. Les soldats britanniques arrivent bons deuxièmes avec 93 transferts confirmés. Les troupes des Pays-Bas et celles du Danemark suivent avec 10 prisonniers et 1 prisonnier transférés respectivement. Contrairement aux autres pays, le Canada refuse de dévoiler le nombre de prisonniers que ses soldats ont transférés.

Les États-Unis, qui comptent le plus grand nombre de soldats en Afghanistan, ne transfèrent aucun prisonnier, ayant construit leur propre système de détention pour s'occuper des détenus.

Région redoutable

«Les soldats canadiens travaillent très fort dans des conditions difficiles et dangereuses en Afghanistan. Je tiens à rappeler qu'ils travaillent dans la province de Kandahar, la région la plus redoutable du pays. (...) Cela va donc de soi qu'ils capturent un grand nombre de prisonniers talibans dans ce contexte», a affirmé hier aux Communes le ministre MacKay.

Mais ces statistiques ont soulevé encore plus de craintes chez les partis de l'opposition quant au sort réservé aux prisonniers afghans transférés par les soldats canadiens. Le Bloc québécois et le NPD ont rappelé hier que la DNS utilise la torture pour soutirer de l'information aux détenus.

Le député bloquiste Claude Bachand a affirmé que le transfert élevé de prisonniers afghans s'apparente à une forme «de sous-traitance de la torture».

Pour sa part, le député néo-démocrate a souligné que le plus haut tribunal de la Grande-Bretagne a entendu hier des témoignages troublants au sujet des sévices infligés aux détenus par les membres de la DNS.

«Les détenus étaient frappés à maintes reprises, ils étaient soumis à des décharges électriques et on les privait de sommeil, tout cela aux mains des illustres membres de la DNS. Comment le gouvernement peut-il continuer d'affirmer que les prisonniers afghans transférés (par les soldats canadiens) ne courent pas le risque d'être torturés? Croit-il qu'il existe une suite séparée pour les détenus transférés par nos soldats? Voyons donc!» a dit M. Dewar.

Nouvel accord de transfert

Le ministre MacKay a répondu qu'un nouvel accord de transfert conclu entre le gouvernement canadien et celui de l'Afghanistan en 2007 a permis de corriger les lacunes qui existaient auparavant. «Nous sommes là pour aider les Afghans à construire leur système. Nous sommes là pour nous assurer que le système afghan s'améliore. Ce n'est pas parfait. (...) Nous allons leur laisser un système qui est certainement meilleur que ce qu'il était quand nous sommes arrivés «