Le gouvernement Harper et les trois partis de l'opposition ont conclu une entente qui met fin à la guerre qu'ils se livraient depuis six mois au sujet de la divulgation des documents secrets portant sur le sort réservé aux détenus afghans remis aux autorités par les soldats canadiens.

Cette entente, conclue à la demande du président de la Chambre des communes, Peter Milliken, deux heures environ avant l'expiration du délai, permet aux deux parties de crier victoire et d'éviter le déclenchement d'élections générales dont personne ne voulait.

Car si le gouvernement Harper et les trois partis de l'opposition n'étaient pas parvenus à un accord, le président Milliken était prêt à entendre et à mettre aux voix une motion du Parti libéral ou du NPD pour déclarer le gouvernement coupable d'outrage au Parlement.

L'adoption d'une telle motion, qui équivaut à un vote de censure, aurait provoqué la chute du gouvernement. L'entente qu'a annoncée hier le ministre de la Justice, Rob Nicholson, a été conclue après deux semaines et demie de négociations.

Selon cette entente, un comité ad hoc formé d'un député de chaque parti et d'un remplaçant pourra consulter tous les documents, censurés ou non - environ 40 000 pages - à partir du 31 mai. Ces députés devront, au préalable, s'engager sous serment à la plus grande confidentialité, signer une promesse de non-divulgation et obtenir la cote de sécurité appropriée après une enquête de la GRC et du Service canadien du renseignement de sécurité.

Le comité de députés pourra choisir les documents qu'il juge pertinents pour tenir le gouvernement responsable dans le dossier du transfert des détenus afghans. Trois juristes examineront ensuite ces documents pour déterminer sous quelle forme ils pourront être remis aux députés et à la population.

Si les juristes estiment que certains documents doivent demeurer confidentiels afin de protéger la sécurité nationale, cette décision sera sans appel. L'entente devra être formellement paraphée par les chefs des quatre partis, dont le premier ministre Stephen Harper.

«C'est une entente qui respecte les lois canadiennes, s'est réjoui le ministre Nicholson. Elle ne compromet pas la sécurité nationale et ne met pas en danger la vie des hommes et des femmes qui portent l'uniforme. C'était là notre préoccupation.»

«C'est une victoire pour la démocratie, a affirmé le leader parlementaire du Bloc québécois, Pierre Paquette. Je souhaite que le gouvernement en retienne une leçon. Le Parlement est au-dessus de l'exécutif. Il a la responsabilité de s'assurer que le gouvernement rende des comptes aux parlementaires. J'espère que l'entente participera à un rééquilibrage nécessaire entre le législatif et l'exécutif.»

«L'objectif, c'est de divulguer le maximum possible et, pour nous, c'est une grande victoire. Nous avons attendu longtemps pour cela», a renchéri le député libéral Dominic LeBlanc.

Les trois partis de l'opposition exigeaient qu'on leur remette des milliers de pages de documents secrets non censurés afin de déterminer si le gouvernement Harper savait que les prisonniers remis aux autorités afghanes par les soldats canadiens risquaient d'être torturés, comme l'a soutenu notamment le diplomate Richard Colvin devant un comité parlementaire en novembre dernier.

Les principaux ministres du gouvernement Harper ont toujours nié avoir été au courant des risques de torture, et le gouvernement refusait de remettre les documents au motif que cela pouvait compromettre la sécurité nationale et celle des soldats canadiens en Afghanistan.

Le président Milliken a dû trancher le litige. Dans une décision historique, il a affirmé que le Parlement avait le droit d'exiger des comptes du gouvernement et a donné deux semaines aux parties pour trouver un compromis.