La controverse sur les allégations de torture des détenus afghans pourrait avoir un résultat inattendu: empêcher le gouvernement d'avoir accès aux millions de dollars dont il a besoin pour financer les sommets du G8 et du G20.

C'est ce qu'a affirmé vendredi le député néo-démocrate Joe Comartin, expliquant que les partis d'opposition sont frustrés par les délais et les nombreuses annulations par les conservateurs des réunions du comité chargé de trouver un terrain d'entente sur la transmission des documents sur le transfert des prisonniers afghans.

Car les négociations piétinent et aucune entente finale n'a encore été conclue, quelques jours avant la fin de la session parlementaire.

La frustration a été exacerbée vendredi matin par l'annulation d'une autre réunion du comité.

«Il y a eu tellement de réunions qui ont été annulées ou reportées. Cela fait partie d'une constante. À ce moment-ci, nous avons de la difficulté à croire que le gouvernement est sérieux de trouver une entente», a déclaré M. Comartin, le négociateur du Nouveau Parti démocratique (NPD) dans ce dossier.

Il a expliqué que si aucune entente n'est conclue lundi, les partis d'opposition pourraient déposer une motion pour demander au président de la Chambre des communes de mettre sur pied le comité chargé de passer au crible les documents, selon les paramètres établis par l'opposition.

Le débat sur cette motion pourrait paralyser les travaux de la Chambre selon le néo-démocrate. «Si cette motion est déposée, la Chambre va être monopolisée et cela va retarder le vote sur le budget dont le gouvernement a besoin», a-t-il mentionné, faisant référence aux sommes requises pour la tenue des deux sommets qui vont réunir les chefs d'État à la fin du mois.

Autre avenue possible pour l'opposition: passer directement à l'étape de la motion d'outrage au Parlement contre le gouvernement, se fondant sur la mauvaise foi des négociations effectuées par les conservateurs.

Faute d'entente, le NPD et le Bloc promettent d'agir mardi. «Si tout cela n'est pas réglé lundi, on s'en va à la Chambre des communes mardi», a indiqué M. Comartin vendredi, ajoutant qu'il est «tout de même optimiste que confrontés à ces réalités, ils concluront un accord avec nous».

Ce vendredi devait pourtant être la date butoir pour la conclusion d'une entente, avaient fermement indiqué le Bloc québécois et le NPD la semaine dernière.

Plusieurs supposées «dates butoir» ont déjà été décrétées par l'opposition dans ce dossier, sans toutefois être respectées.

En avril, le président de la Chambre des communes, Peter Milliken, a ordonné au gouvernement de transmettre les documents, mais a suggéré aux partis de s'entendre sur la méthode.

Ils ont depuis conclu une entente de principe qui prévoit qu'un groupe de parlementaires, puis un comité d'experts, décideront quels documents seront transmis à l'opposition. Le gouvernement avait jusqu'ici gardés secrets la plupart des documents au nom de la sécurité nationale.

Le négociateur pour le Bloc québécois, Pierre Paquette, a d'ailleurs déploré à maintes reprises le peu de disponibilité des conservateurs pour discuter de l'entente.

Mais cette fois-ci, il blâme les libéraux qui n'ont pas remis à temps pour la réunion de vendredi le libellé des questions qui restent encore à discuter. Joe Comartin a laissé entendre que les conservateurs ont pris ce prétexte pour annuler unilatéralement la réunion.

Un porte-parole libéral a dit ignorer les raisons de l'annulation de la réunion de vendredi.

Pour le NPD comme pour le Bloc, pas question d'attendre à l'automne pour régler ce dossier.

«Parce qu'il faut absolument qu'il y ait une conséquence au fait que le gouvernement se traînerait les pieds ou fermerait la porte à la négociation avant l'été», a expliqué Pierre Paquette.

Alors que les deux partis se disent prêts à passer à l'action mardi, les libéraux refusent de dévoiler ce qu'ils entendent faire.

Un porte-parole du bureau de Ralph Goodale, le négociateur libéral au comité, a indiqué qu'il serait contre-productif de révéler leur stratégie. Ils préfèrent garder les voies de discussions ouvertes et continuer à négocier de bonne foi, admettant toutefois que le temps qui passe met de la pression sur tous.

Malgré le peu de temps qui reste, M. Paquette s'est dit confiant d'en arriver à une entente avant la fin de la session parlementaire. «Tout en déplorant le manque de disponibilité du gouvernement, j'ai encore bon espoir que lundi on puisse arriver à une entente», a-t-il conclu.