Après des mois d'affrontements et de querelles de procédure, trois des quatre partis à la Chambre des communes ont finalement conclu une entente pour que les parlementaires aient accès aux documents concernant les prisonniers afghans. Avant même la fin des discussions, le NPD de Jack Layton a claqué la porte, mécontent des limites imposées à la divulgation de l'information.

L'entente, qui doit encore être entérinée, prévoit la création d'un comité formé d'un député de chaque parti signataire, qui révisera l'ensemble des documents touchant le transfert de détenus aux autorités afghanes par l'armée canadienne, soit entre 20 000 et 40 000 pages d'information. Les documents jugés pertinents seront ensuite confiés à des experts juristes qui devront décider si la divulgation intégrale de l'information causerait un préjudice à la sécurité nationale et si certaines parties doivent être caviardées ou résumées.L'entente prévoit aussi un mécanisme pour préserver la confidentialité des discussions et des décisions du cabinet des ministres et le secret professionnel des avis juridiques des avocats du gouvernement. Les documents qui tombent dans cette catégorie seront d'abord remis aux experts, qui jugeront quel contenu peut être remis au comité de députés sans briser la confidentialité ni le secret professionnel.

Décision historique «dénaturée»

Pour le NPD, cette entente, proposée par le gouvernement de Stephen Harper, dénature la décision historique du président de la Chambre des communes, Peter Milliken. En avril, ce dernier avait exhorté l'opposition et le gouvernement à s'entendre sur un mécanisme qui permettrait aux députés de consulter les documents concernant le transfert des détenus afghans. L'opposition cherche depuis des mois à faire la lumière sur une question épineuse, à savoir si le gouvernement canadien savait que les prisonniers qu'il transférait aux autorités afghanes risquaient d'être torturés, ce qui contreviendrait à la convention de Genève.

«Cette entente des conservateurs avec les souverainistes et leur partenaire libéral est une vraie honte, a lancé en chambre le chef du NPD, Jack Layton. Ils excluent les documents importants et ils musellent des membres du comité. Le résultat est que les Canadiens n'auront pas la vérité, toute la vérité sur le scandale de la torture en Afghanistan.»

Le premier ministre Harper a qualifié de «position extrême et irresponsable» la décision du NPD de rejeter l'entente.

Le ministre de la Justice, Rob Nicholson, s'est quant à lui réjoui de la collaboration et de la bonne volonté des libéraux et des bloquistes pour dénouer l'impasse.

«Je pense que le processus dans sa globalité va permettre au Parlement de faire la lumière sur les allégations de torture, a estimé le leader parlementaire du Bloc québécois, Pierre Paquette. Le gouvernement a fait suffisamment de concessions à notre avis pour que le mécanisme puisse fonctionner de façon transparente.»

Les libéraux ont jugé qu'il y avait suffisamment de garanties dans l'entente pour que le gouvernement ne puisse plus refuser de dévoiler le contenu des documents.

«Au lieu que le gouvernement ait le contrôle absolu et unilatéral de l'information, qui était sa position de départ, maintenant, c'est le Parlement qui prend en charge le processus», a dit le leader libéral en Chambre, Ralph Goodale.

Le député néo-démocrate Jack Harris, qui avait introduit en mars la question de privilège qui a contraint les partis de l'opposition et le gouvernement à négocier une solution, a exhorté, hier, le président Milliken à refuser l'entente signée par les trois partis au motif qu'elle ne répond pas, selon lui, à la décision formulée en avril sur l'accès aux documents. Le président, qui a mis la question en délibéré, a promis de rendre une décision «sous peu». Pour l'opposition, le temps presse, car la Chambre ajourne ses travaux pour l'été demain soir.