Bien qu'ils émanent de sources américaines, les quelque 92 000 pages de documents militaires confidentiels mis au jour par Wikileaks dévoilent aussi une foule de renseignements sur les alliés des États-Unis dans la guerre en Afghanistan. Le Canada n'y échappe pas, au grand dam du gouvernement de Stephen Harper.

«Notre gouvernement est préoccupé par le fait que des fuites sur des opérations pourraient menacer la vie de nos hommes et de nos femmes en Afghanistan», a dit lundi le ministre des Affaires étrangères, Lawrence Cannon, en conférence de presse.

Son propre ministère est mis en cause par l'un des rapports publiés sur le site web de Wikileaks dimanche. On apprend notamment que, lors d'une rencontre diplomatique en 2007, le gouvernement américain aurait demandé aux diplomates canadiens d'intervenir auprès des gouvernements d'Arabie Saoudite et d'Afrique du Sud afin que ces derniers freinent des transferts d'argent et d'armes en provenance de leur territoire et destinés aux talibans.

Civils afghans tués

Dans un autre rapport daté du 17 février 2009, il est cette fois question de civils afghans tués lors d'opérations canadiennes. On y décrit un incident au cours duquel une patrouille canadienne a tiré sur deux adolescents de 14 et 16 ans qui se déplaçaient à motocyclette dans la région de Kandahar parce qu'ils auraient refusé de s'arrêter au signal des Canadiens. L'un a été atteint à la cheville et l'autre, au thorax. Les deux garçons ont succombé à leurs blessures, selon le rapport.

C'est cependant un rapport daté du 30 mai 2007 qui a forcé le ministre Cannon à réagir, lundi. On peut y lire que, contrairement à l'information qui a été diffusée par les Forces canadiennes, ce n'est pas une roquette qui aurait causé l'écrasement d'un hélicoptère Chinook et la mort de sept de ses passagers, dont le caporal canadien Darrell Jason Priede. «Se basant sur la description de la projection, de la taille et de l'impact du projectile, il est évalué (que le projectile utilisé) est plus gros qu'une roquette et possiblement un missile sol-air», peut-on lire.

Or, à ce jour, les forces de l'OTAN n'avaient jamais confirmé que les talibans disposaient de ce genre de missile, aussi appelé missile à tête chercheuse aux infrarouges. Fournies par les États-Unis aux moudjahidin afghans lors de la guerre de 1979 à 1989, ces armes ont joué un rôle crucial dans la victoire des rebelles afghans contre l'armée soviétique. Depuis le début de l'invasion américaine en Afghanistan, en 2001, les experts spéculaient sur la possibilité que les talibans disposent de ces armes et sur les dangers qu'elles représentent.

Interrogé sur cette révélation, Lawrence Cannon a affirmé lundi que le gouvernement canadien «n'a pas induit la population canadienne en erreur de quelque manière que ce soit». Le ministre a cependant refusé de commenter davantage la fuite de documents.

En ce moment, près de 2800 militaires canadiens sont déployés en Afghanistan. Depuis le début de la mission, en 2002, 150 Canadiens y ont perdu la vie.