Près d'un an après le témoignage-choc du diplomate Richard Colvin, qui accuse le gouvernement canadien d'avoir été complice de la torture de prisonniers en Afghanistan, les Forces canadiennes montrent patte blanche et rendent publiques les statistiques, jusqu'ici tenues secrètes, sur les transferts de détenus afghans.

Ainsi, entre 2001 et 2008, le Canada a détenu en Afghanistan pas moins de 439 individus, dont 283 ont été transférés, la plupart aux autorités afghanes, alors que 153 ont été libérés, stipule un communiqué publié en catimini en fin de journée hier, au moment même où se déroulait à la Chambre des communes le vote crucial sur le registre des armes d'épaule.

Au coeur de ses déclarations incendiaires, M. Colvin affirmait que le gouvernement canadien était bien au courant du fait que les autorités afghanes avaient l'habitude de torturer les prisonniers. Or, transférer des détenus dans ces conditions contreviendrait aux engagements internationaux du Canada face aux conventions de Genève sur le traitement des prisonniers. Ainsi, Ottawa a toujours assuré avoir fait le nécessaire pour éviter que les détenus transférés soient maltraités.

En mai 2007, un nouveau protocole de transfert est entré en vigueur, pour pallier les lacunes de la précédente entente et ajouter un processus de suivi des détenus transférés, a indiqué le gouvernement. Or, les statistiques démontrent qu'en 2006 seulement, soit avant qu'un mécanisme de surveillance soit installé, l'armée canadienne a transféré 129 détenus aux autorités afghanes.

Le communiqué confirme en outre que les transferts de prisonniers ont été interrompus à quatre reprises: suspendus une fois (de novembre 2007 à février 2008) et «mis en attente» à trois reprises, en 2009.

Dans un geste sans précédent dans le dossier, l'armée canadienne fait voeu de transparence et explique les procédures de détention, les conditions de transfert, le processus de surveillance des détenus, voire les interventions prévues en cas d'allégation de mauvais traitement. Les Forces canadiennes ont décidé de rendre publiques ces informations - réclamées depuis longtemps par l'opposition -, à la suite d'un examen militaire qui a permis de conclure «que les statistiques rétrospectives relatives au nombre d'individus détenus en Afghanistan ne constituaient plus une menace immédiate pour les opérations récentes ou en cours», explique le communiqué. Par «souci de précision et transparence», ajoute-t-on, les données seront dorénavant divulguées tous les ans.

Détérioration

Par ailleurs, le gouvernement a aussi publié, hier après-midi, le neuvième rapport trimestriel sur l'engagement du Canada en Afghanistan, qui démontre que la situation est loin de s'améliorer sur le terrain.

«Ce trimestre a été marqué par une détérioration de la sécurité en Afghanistan: escalade de la violence insurrectionnelle, multiplication des manoeuvres d'intimidation des citoyens, assassinat de plusieurs représentants des institutions fédérales et de la société civile afghanes, et reprise saisonnière des combats plus rapide que prévu», stipule le rapport qui couvre la période du 1er avril au 30 juin derniers.