Le Canadien avalera-t-il tout rond les Ducks, ce soir, au Centre Bell ? On le verra dans quelques heures. Mais jusqu'à présent, il faut convenir que l'équipe montréalaise connaît un départ canon dans la Ligue nationale de hockey. L'entraîneur Guy Carbonneau s'en réjouit, d'autant plus que l'équipe fétiche des Québécois est en pleine célébration de son centenaire. Entrevue exclusive avec un entraîneur impassible.

Q Le Canadien dispute le septième match de sa saison ce soir, au Centre Bell, contre les Ducks d'Anaheim. Toujours invaincu en temps réglementaire, le Tricolore a récolté 11 points sur une possibilité de 12. Êtes-vous surpris par ce début de saison ?R Surpris, pas vraiment. Nous avons maintenu le noyau de notre équipe et avons greffé de très bons joueurs en Alex Tanguay et Robert Lang. Georges Laraque nous amène une nouvelle dimension au chapitre de la robustesse. Nous avions confiance, et notre début de saison est à la hauteur des projections que nous avions établies.

Q Êtes-vous soulagé, alors ?

R Ça oui ! Avec la parité qui existe dans la LNH, on ne peut se permettre de passage à vide. À titre d'entraîneur, on ne veut surtout pas mal entreprendre la saison. L'erre d'aller des 10 ou 15 premiers matchs est important. Le plus stressant dans le travail d'entraîneur, c'est que tu n'as pas vraiment le dernier mot dans le résultat final. Tu prépares l'équipe du mieux que tu peux. Tu établis des stratégies qui te semblent solides. Tu vois à tous les détails pour t'assurer que les gars sont prêts, que ton équipe soit prête. Tu espères avoir pensé à tout, mais tu ne sais jamais comment l'équipe réagira sur la glace. Tu ne sais jamais quelles surprises t'offriront tes adversaires. C'est la beauté du sport, dans un sens, mais en même temps, c'est ce qu'il y a de pire dans le job de coach.

Q Justement, être entraîneur-chef du Canadien de Montréal, est-ce un fardeau à porter ? C'est un des emplois les plus en vue au Québec. Guy A. Lepage a ouvert sa saison avec vous. Ce n'est pas rien.

R Je pensais que c'était parce qu'il voulait me permettre de respecter le couvre-feu... Guy A. voulait avoir le coach du Canadien à son émission depuis un an. Je ne voulais pas y aller pendant la saison. Le moment était donc bien choisi.

Q Au-delà de la télé, vous avez eu droit à l'une des plus belles ovations lors du match d'ouverture. Une ovation réservée à Guy Carbonneau ou à l'entraîneur-chef du Canadien ?

R Je dirais un peu aux deux. J'ai connu une belle carrière à Montréal. J'ai gagné deux Coupes, j'ai été capitaine, les gens s'en souviennent même si je suis allé ailleurs pour terminer ma carrière (ndlr : une saison à St. Louis et cinq à Dallas, où il a soulevé sa troisième Coupe Stanley). Cela dit, je suis renversé par l'enthousiasme des partisans. Les gens me reconnaissent et me saluent. C'est très plaisant. Mais l'autre jour, je marchais rue Laurier avec ma femme, et les gens ne venaient pas juste dire bonjour. Ils me remerciaient pour le travail que je fais. Ils me félicitaient pour les succès de l'équipe. Ça, c'est exceptionnel. Se sentir apprécié pour ce qu'on fait, c'est un maudit beau cadeau. On vit dans une époque exceptionnelle. Le hockey n'a jamais été aussi populaire. C'est encore plus vrai à Montréal qu'ailleurs. Ce n'est pas toujours facile de jouer ou de diriger à Montréal. Mais c'est le meilleur endroit dans la ligue pour gagner.

Q C'est l'année du centenaire. Est-ce une source de motivation pour vous et votre équipe, ou à l'opposé une dangereuse distraction ?

R C'est l'excès qui est dangereux. Les gens du marketing ont un travail à faire et ils le font très bien. Mais comme coach, et surtout parce que je suis un ancien joueur, je dois mettre des balises afin de protéger mes joueurs. Pour le reste, c'est extraordinaire. Nos jeunes qui viennent d'Europe ou des États-Unis sont moins au fait de notre histoire. Il fallait les voir sur le banc lorsque Butch (Émile) Bouchard et Elmer Lach sont venus faire la mise en jeu officielle lors du premier match. Ça, c'est une belle source de motivation.

Q En plus de célébrer les 100 ans du Canadien, on célèbre aussi les 10 ans de Saku Koivu à titre de capitaine. Il rejoint Jean Béliveau pour le plus long règne de l'histoire de l'équipe. Comment réagissez-vous au fait qu'un Finlandais qui ne parle pas français supplantera bientôt le grand Jean Béliveau ?

R Je trouve ça extraordinaire, car ça reflète ce que la ligue est devenue. En plus, je considère que Saku n'a jamais reçu le crédit qu'il mérite à titre de capitaine. Il a traversé des épreuves personnelles, mais il a aussi traversé des années difficiles pour l'équipe. Je pense que le fait qu'il ne parle pas français lui a nui beaucoup. Mais les gens doivent comprendre la réalité du hockey d'aujourd'hui. Bob (Gainey) et Larry (Robinson) ont appris le français parce que tout, ou presque, se passait en français dans le vestiaire. L'arrivée des Européens et des Américains a fait basculer la langue de travail vers l'anglais. Saku a appris la langue de travail. Je ne comprends pas qu'on puisse lui en vouloir pour ça et j'espère que ça ne ternira pas tout ce qu'il a fait et fait encore pour notre équipe.

Q Qui est le meilleur attaquant de la LNH ?

R (Après une longue hésitation) Il y a un groupe de joueurs d'élite qui sont à peu près tous au même niveau. Mais dans ce groupe, je choisirais Alexander Ovechkin (Capitals de Washington) en raison de sa passion du jeu, de son désir de vaincre.

Q Qui est le meilleur défenseur du circuit ?

R J'ai un parti pris parce qu'il joue pour moi. Mais justement parce que je le vois tous les jours, j'ai de la difficulté à trouver un meilleur défenseur qu'Andreï Markov en ce moment.

Q Et le gardien ?

R Celle-là est facile. Martin Brodeur est encore pour moi le meilleur des meilleurs. Je regardais le match contre les Stars mercredi et je n'en revenais pas de voir les arrêts que Martin réalisait. Il est renversant. Et le pire, c'est qu'il va nous impressionner comme ça encore pendant un bon moment.

Q Est-ce que Guy Carbonneau sera un jour congédié ou est-ce qu'il partira avant de subir cet affront ?

R J'ai eu la chance de raccrocher mes patins sans me le faire imposer. Dans un monde idéal, ma carrière de coach se terminera de la même façon. Je regarde des gars comme Barry Trotz (Nashville) et Lindy Ruff (Buffalo) et je me dis qu'il y a encore moyen aujourd'hui de passer 10 ans ou plus à la barre de la même équipe. J'ai 48 ans et je ne crois pas que je serai encore coach à 65 ans. Mais j'espère l'être encore longtemps. S'il arrive quelque chose et que je perds mon job, je rentrerai à la maison et j'irai m'occuper de mes petits-enfants. Mais pour le moment, il y a un autre groupe de jeunes dont je dois m'occuper...

Q La population canadienne vient d'élire un deuxième gouvernement conservateur minoritaire. Les Américains éliront un nouveau président le 4 novembre. Le tour du Québec et des Québécois viendra avant longtemps. La politique vous intéresse-t-elle ?

R Le sujet m'intéresse, mais la politique partisane, non. Je pense que c'est plus par concours de circonstances qu'autre chose. Depuis que je suis dans le hockey, on dirait que les élections tombent toujours en début de saison ou en séries éliminatoires. Deux moments où tu es totalement consacré à ton sport. L'intérêt est là. Un peu. Mais je n'ai jamais pris les moyens nécessaires pour m'y intéresser sérieusement.

Biographie

Guy Carbonneau est né à Sept-Îles, le 18 mars 1960. Il est devenu le 28e entraîneur-chef de l'histoire du Canadien le 5 mai 2006, après avoir été brièvement entraîneur associé.

Il a connu une carrière de 19 ans dans la Ligue nationale de hockey, dont 13 avec le Canadien de Montréal et le reste avec les Blues de Saint-Louis et les Stars de Dallas.

Au cours de sa carrière dans la LNH, Guy Carbonneau a compté 260 buts et fait 403 passes.