Le plus grand instrument de physique au monde, le Grand collisionneur de hadrons LHC, a été mis en route mercredi, avec pour mission de recréer les conditions d'énergie intense des premiers instants de l'univers.

Un premier jet de particules a fait mercredi matin un tour complet dans l'anneau de 27 km enfoui à 100 mètres sous terre de part et d'autre de la frontière franco-suisse.

Le LHC doit faire se fracasser des protons circulant en sens inverse, faisant jaillir des particules élementaires encore jamais observées.

Il recréera, durant une fraction de microseconde, les conditions qui prévalaient dans l'univers juste après le Big Bang, avant que les particules élémentaires s'associent pour former les noyaux d'atomes.

Il pourrait mettre en évidence des particules dites «supersymétriques» qui composeraient la matière noire, dont on ne sait pratiquement rien, sinon qu'elle compte pour 23% de l'univers, contre seulement 4% pour la matière ordinaire, les 73% restants étant de l'énergie noire responsable de l'expansion de l'univers.

Il devrait également permettre de repérer de l'antimatière, générée en quantité égale avec la matière au moment du Big Bang il y a 13,7 milliards d'années, mais qui a pour l'essentiel disparu depuis.

Ces expériences seront réalisées par quatre grands détecteurs installés autour de l'anneau.

Juste après 7h30 GMT mercredi matin (3h30 HAE), un premier faisceau de protons, des particules composites de la famille des hadrons, a été injecté dans l'accélérateur.

Un flash sur les écrans de contrôle a indiqué que le faisceau était bien entré dans la première section de l'anneau. Un peu moins d'une heure après, le faisceau réalisait un premier tour complet de l'anneau, sous les applaudissements des scientifiques.

Ce démarrage sera suivi par la mise en route d'un second faisceau tournant en sens inverse.

Guidés par des aimants supraconducteurs refroidis à 271,3°C, soit 1,9°C au-dessus du zéro absolu, les faisceaux seront progressivement accélérés jusqu'à une vitesse proche de celle de la lumière.

Les premières collisions de protons - qui ne devraient pas intervenir avant plusieurs semaines- seront produites à des énergies de 450 gigaélectronvolts (Gev), soit un peu moins de la moitié de la puissance du Fermilab de Chicago, jusqu'ici le plus grand accélérateur du monde.

Les énergies atteindront à terme des niveaux inégalés, jusqu'à 7 téraélectronvolts (Tev) par faisceau, soit sept fois la puissance du Fermilab.

L'objectif, «c'est l'acquisition de la compréhension sur le comportement de la matière la plus fondamentale», a déclaré à l'AFP Daniel Denegri, un physicien travaillant sur un des quatre détecteurs de particules installés autour de l'anneau.

La mise en route de mercredi est un «un tour de force technologique», pour ce physicien qui «s'attend à des découvertes plus ou moins spectaculaires».

Les chocs de protons dégageront brièvement une chaleur 100.000 fois supérieure à celle du coeur du Soleil et devraient permettre de détecter notamment le boson de Higgs, une mystérieuse particule qui donnerait sa masse à toutes les autres dans la théorie du «Modèle standard».

Les collisions pourraient également créer des mini trous noirs dont les physiciens du Cern assurent qu'ils seront sans danger, tant leur présence sera éphémère. Quelques scientifiques ont émis la crainte qu'ils absorbent toute la matière autour d'eux, provoquant la fin du monde.

Le projet de 3,76 milliards d'euros a connu bien des retards. Il remonte à 1983 pour sa conception et à 1996 pour le début des travaux et a mobilisé des milliers de physiciens et d'ingénieurs du monde entier.