Ce n'est pas normal que les Québécois soient incapables de se trouver un médecin de famille ou d'obtenir un rendez-vous dans une clinique médicale, reconnaît le ministre de la Santé, Yves Bolduc. Dans le cadre de sa tournée des 11 salles des urgences les plus problématiques du Québec, il n'use pas de la langue de bois pour parler des maux du système de santé et apporter des solutions. Il en parle avec La Presse.

Q Un Québécois sur trois n'a pas de médecin de famille. Vous vous êtes engagé à ce que, à la fin du mandat libéral, trouver un médecin ne soit plus un souci au Québec. Comment pouvez-vous nous convaincre que ce sera le cas?

R On ne peut pas savoir dans cinq ans si tout le monde aura un médecin de famille, mais ce qu'on sait actuellement, c'est que le nombre de médecins de famille qui sortiront des écoles augmentera au cours des prochaines années. Dans le dernier mandat, on a augmenté le nombre d'admissions en médecine. Le deuxième facteur important, c'est que, en même temps, on réorganise les pratiques en formant des groupes de médecine de famille (GMF) auxquels on adjoint des infirmières. J'ai été en GMF pendant cinq ans. Quand un médecin fait partie d'un groupe de médecine de famille, il a plus de patients que s'il n'était pas dans un tel groupe parce que les infirmières sont un excellent soutien et qu'on partage le travail avec elles. Habituellement, un médecin suit entre 200 et 300 patients de plus. Le troisième élément, c'est la création d'une table de concertation avec tous les intervenants. Ça ne nous donne pas plus d'effectifs, mais ça va nous permettre d'avoir une meilleure organisation.

Q Récemment, dans les pages de La Presse, un père de famille a écrit une lettre ouverte pour convaincre un médecin de les prendre en charge, lui et sa famille. Faut-il en arriver là pour trouver un médecin?



R Non... les gens ont quand même un très bon accès aux médecins. Ils n'ont pas nécessairement accès à un rendez-vous, mais s'ils ont un cas urgent, c'est certain qu'on a des mécanismes, comme des cliniques sans rendez-vous et des urgences où ils peuvent aller.

Q Mais pour quelqu'un qui veut un suivi?

R C'est là qu'on a un problème actuellement. Quand on parle aux gens, ils disent qu'ils finissent toujours par se trouver un médecin dans une clinique sauf que c'est compliqué. Il faut passer par la porte d'en arrière. Ce qu'on veut, c'est avoir un mécanisme qui permette de se répartir les clientèles. C'est ce qu'il faut qu'on regarde avec la table de concertation.

Q Quelles sont les solutions pour une personne qui veut voir un médecin, ne serait-ce que pour passer un bilan de santé annuel?

R Voici un exemple. À Alma, 93% de la clientèle a un médecin de famille et 7% n'en a pas. Pourtant, ceux qui font partie des 7% n'étaient jamais capables d'avoir un rendez-vous ou de s'inscrire dans une clinique. On a demandé aux médecins s'ils pouvaient prendre des patients à leur rythme et nous envoyer des disponibilités dans un guichet unique. Eh bien, on a eu plus de places qu'on avait de patients. C'est souvent ce qu'on a au Québec. Les médecins disent tous qu'ils prennent de nouveaux patients, mais ils ne l'affichent pas. C'est ça notre problème. Les patients finissent par se trouver un médecin de famille, mais c'est compliqué. Il faut qu'ils se battent avec la secrétaire ou que le patient demande à son docteur s'il prendrait sa soeur.

Q Donc, il faut avoir des contacts?

R Il faut avoir des contacts. Mais là, le principe ne sera pas d'avoir des contacts. On n'a pas de mécanisme organisé pour attribuer les patients aux médecins de famille de façon équitable. C'est ce qu'on cherche à faire avec le guichet unique et c'est ce qu'on va discuter avec la table de concertation.

Q La pénurie de personnel frappe aussi les infirmières. Plusieurs d'entre elles quittent le réseau public pour travailler dans des agences privées, où elles sont mieux payées et profitent de meilleures conditions de travail. Est-ce que les infirmières des agences privées sont appelées à prendre une plus grande place dans les hôpitaux?



R Non. Personnellement, je préfère qu'on fasse appel le moins possible aux agences privées dans les établissements. Les agences privées sont un moindre mal parce qu'on a une pénurie de personnel. On est obligés de les utiliser pour éviter des ruptures de service dans les hôpitaux.

Q Est-ce qu'il faut s'inquiéter de la qualité des soins dans les hôpitaux qui ont recours aux agences privées pour combler tous leurs quarts de travail?

R Il est préférable d'avoir du personnel permanent dans les établissements, mais les agences privées comptent quand même des professionnelles qui sont formées. Elles sont aussi compétentes, mais moins habituées. Le gros problème, ce n'est pas quand une ou deux personnes viennent d'une agence dans un hôpital, mais quand beaucoup d'infirmières d'agences se promènent d'un côté et de l'autre. Elles sont moins habituées aux services.

Q Et l'idée d'offrir des primes pour retenir les infirmières dans le réseau?

R Donner une prime à un secteur crée un trou ailleurs le lendemain. Je considère que toutes les tâches dans un établissement, par tous les professionnels, sont importantes. On donne des primes aux soins intensifs et dans les urgences actuellement parce qu'on a eu des problèmes ponctuels, mais dans un système parfait, il ne devrait y avoir de primes nulle part.