Le fait qu'Omar Khadr reconnaisse sa culpabilité pour des crimes commis lorsqu'il avait 15 ans a suscité des réactions contrastées à Guantánamo, où se déroule son procès. Alors que les avocats du gouvernement américain se réjouissent de la condamnation de ce «terroriste», des organismes de défense des droits parlent d'un « triste jour pour la primauté du droit». Pour sa part, Ottawa ne s'est toujours pas engagé formellement à rapatrier son ressortissant une fois sa peine connue.  



Coupable. Dans une salle bondée où régnait une tension palpable, devant juge, avocats, victimes, journalistes et représentants d'organisations non gouvernementales, Omar Khadr s'est reconnu coupable de crimes de guerre commis il y a huit ans, en échange de la promesse de pouvoir purger une partie de sa peine au Canada.

Impassible, la tête baissée et la voix faible, le Canadien âgé de 24 ans, vêtu d'un complet-cravate, a acquiescé, sous serment, à toutes les questions du juge Patrick Parrish, qui lui a demandé de confirmer qu'il reconnaissait sa culpabilité à chacun des cinq chefs d'accusation retenus contre lui, y compris le meurtre d'un soldat américain.

Au premier rang, la veuve du soldat Christopher Speer, Tabitha, n'a pu refréner ses sanglots lorsque Omar Khadr a admis, à contrecoeur, avoir lancé la grenade qui a causé des blessures fatales à son mari, le 27 juillet 2002.

Capturé en Afghanistan à l'âge de 15 ans et détenu depuis huit ans à la controversée prison de Guantánamo, Omar Khadr avait toujours clamé son innocence.

Au terme de négociations entre ses avocats et les procureurs du gouvernement américain, il a accepté de changer sa version des faits et de plaider coupable, moyennant quoi, après une année supplémentaire passée à Guantánamo, il pourra demander à purger le reste de sa peine au Canada.

Pas de confirmation

Alors que le gouvernement canadien refuse toujours de confirmer qu'il a participé aux discussions qui ont mené à cette entente, des notes diplomatiques des gouvernements canadien et américain ont été déposées en cour et seront rendues publiques plus tard cette semaine. Ce sont pourtant ces documents qui ont convaincu le coloré avocat canadien de Khadr, Dennis Edney, de suggérer à son client de plaider coupable.

«Nous croyons que le langage utilisé par le Canada est suffisamment satisfaisant. La note diplomatique nous donne un bon degré d'assurance», a-t-il soutenu dans une conférence de presse tenue à un jet de pierre de la salle d'audience du Camp Justice, où se déroule le procès, au coeur de la base militaire américaine dans l'île de Cuba.

Il était hors de question, pour Me Edney, d'accepter une entente qui n'inclurait pas explicitement la possibilité que le jeune homme, né à Scarborough, en banlieue de Toronto, purge une partie de sa peine dans son pays natal.

Mais les procureurs du gouvernement américain ont tenu à préciser qu'Omar Khadr ne rentrerait pas au Canada après un an «comme un homme libre», mais bien pour purger le reste de sa peine «dans le système pénal canadien», a dit le capitaine John Murphy, procureur en chef des commissions militaires.

Les avocats crient victoire

Le dénouement attendu de ce feuilleton judiciaire a réjoui les avocats du gouvernement américain, qui se sont empressés de crier victoire, alors que les organismes de défense des droits ont jugé qu'il s'agissait d'une «triste journée» pour la justice.

«Omar Khadr n'est pas une victime, il n'est pas un enfant-soldat. Omar Khadr est un meurtrier et un terroriste d'Al-Qaïda», a dit le capitaine Murphy.

«C'est par ses propres paroles qu'il a été reconnu coupable, a-t-il ajouté. Cela met fin à un mensonge qui durait depuis très longtemps.»

Selon le capitaine Murphy, cette condamnation légitime le processus des commissions militaires, contesté à la fois par les tribunaux américains et par la communauté juridique internationale.

«Je pense que c'est peut-être le meilleur dénouement qu'Omar Khadr pouvait espérer dans les circonstances, étant donné que le juge avait accepté en preuve des aveux faits sous la contrainte, qui n'auraient jamais été admissibles ailleurs, a déploré Daphne Eviatar, de l'organisme Human Rights First. Mais c'est une très triste journée pour la primauté du droit aux États-Unis.»

Les organisations non gouvernementales dénoncent depuis des années le fait que l'on juge un enfant-soldat pour crimes de guerre, une première depuis la Seconde Guerre mondiale.

«La question des violations des droits de l'homme dont il a été victime demeure non résolue», a souligné le secrétaire général d'Amnistie internationale, Alex Neve.

«Toujours innocent»

«De notre point de vue, il est toujours innocent, a pour sa part affirmé l'avocat de Khadr, Dennis Edney. Il avait le choix entre avoir un procès devant un tribunal illégal ou rentrer à la maison. Il a choisi cette option.»

L'avocat d'Edmonton n'a pas voulu préciser s'il entendait s'adresser aux tribunaux canadiens pour faire réduire la peine de son client une fois qu'il sera au Canada. Toutefois, selon M. Neve, les lois canadiennes permettent plusieurs recours judiciaires.

Le procès n'est pas pour autant terminé à Guantánamo. Dès aujourd'hui, les 7 jurés entendront 14 témoins de la défense et de la poursuite pour déterminer la peine à infliger à Omar Khadr. Comme l'entente à l'amiable - gardée secrète pour l'instant - contient assurément une peine négociée, c'est la peine la plus courte des deux qui prévaudra. Les détails de l'entente ne seront pas rendus publics avant la fin du procès, pour ne pas influencer le jury dans ses délibérations, a indiqué le juge Parrish.

Il a aussi annoncé que six pages de notes diplomatiques du gouvernement canadien et de l'administration américaine seront rendues publiques en même temps que les détails de l'entente à l'amiable, soit d'ici à la fin de la semaine.