Un homme d'État contre une femme du pays. C'est le contraste qu'offraient Joe Biden et Sarah Palin, hier, durant le débat des candidats à la vice-présidence.

Un homme d'État contre une femme du pays. C'est le contraste qu'offraient Joe Biden et Sarah Palin, hier, durant le débat des candidats à la vice-présidence.

Sarah Palin a donné le ton avant le début des échanges. « Est-ce que je peux vous appeler Joe ? » a-t-elle demandé lors de leur arrivée sur scène, s'adressant à Biden comme à un beau-père que l'on rencontre pour la première fois.

Le débat s'est ouvert avec des questions sur l'économie.

Mme Palin a demandé à son adversaire de «mettre de côté ses sentiments partisans» pour parvenir à une solution de la crise économique. Joe Biden a répliqué que les républicains sont à la Maison-Blanche depuis huit ans, et que leurs politiques sont à l'origine de la crise. «Il faut arrêter ça, pour le bien du pays», a-t-il dit.

Biden est passé à l'attaque, notant que les premiers mots de John McCain après la déroute de Wall Street ont été : «Les bases de l'économie américaine sont solides».

Mme Palin a vite pris un ton populiste. Elle employait des expressions très familières, en appelant à «Joe Six-Pack» et aux «Hockey moms» de ce monde. Ses phrases finissaient souvent par un «darn right» bien senti et bien assumé.

Sarah Palin a eu de la difficulté lors des échanges à bâtons rompus, et utilisait souvent des «lignes» étudiées à l'avance. Elle a aussi expliqué que ses réponses étaient volontairement évasives. «Je ne réponds peut-être pas aux questions comme mon opposant ou le modérateur le voudraient, mais c'est OK. Je m'adresse directement aux Américains», a-t-elle dit durant le seul débat des candidats à la vice-présidence, qui avait lieu à Saint Louis, au Missouri.

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Mme Palin a fait quelques gaffes, faisant référence aux «Talibanis» en Irak, et expliquant que la crise économique s'est étendue de «Main Street» à «Wall Street». Le mot «nucléaire» a aussi été massacré à plusieurs reprises, façon George W. Bush.

Joe Biden s'est montré calme et persuasif. Il attaquait souvent «son vieil ami» John McCain, qui est «dans l'erreur» sur plusieurs enjeux comme la guerre au terrorisme, les baisses d'impôts et la politique énergétique. «Cela ne fait pas de John McCain un mauvais gars, a-t-il tonné. Mais il est déconnecté de la réalité des gens de tous les jours.»

Biden a souvent rappelé que Mme Palin évitait de répondre aux questions. «Je n'entends rien ici de différent des politiques de George W. Bush. Moi et Barack Obama voulons donner une direction nouvelle au pays.»

Ses réponses parfois longues traduisaient sa connaissance des dossiers. Vers la fin du débat, Biden est devenu émotif lorsqu'il a parlé de l'accident de voiture qui a tué sa femme et grièvement blessé ses deux fils. «Je comprends ce que c'est. Je comprends ce que c'est d'élever une famille seul... Je suis passé par là.»

Sarah Palin a préféré mettre de l'avant son dynamisme et son amour du pays. « Nous allons nous battre pour le changement. Nous allons nous battre pour l'Amérique », a-t-elle dit à la fin du débat.

Électorat sceptique

Le débat Biden-Palin est survenu au moment où une majorité d'électeurs avaient des doutes sur Sarah Palin. La semaine n'a pas été salutaire pour sa candidature. Les vidéos de son entrevue avec la journaliste Katie Couric ont créé la panique chez les conservateurs. Mme Palin y apparaît hésitante, et s'est montrée incapable de discuter d'enjeux importants.

Hier, un sondage du Washington Post a révélé que six américains sur dix croient que Mme Palin n'a pas l'expérience et les connaissances nécessaires pour devenir présidente.

Cette semaine, plusieurs commentateurs ont noté que Mme Palin n'a pas donné une seule conférence de presse depuis le début de sa campagne. Le blogueur Andrew Sullivan, qui écrit pour le site du magazine Atlantic Monthly, estime qu'il est scandaleux que Mme Palin ne se soit pas encore prêtée à l'exercice.

«Il va falloir une conférence de presse pour voir son expertise. Seul un échange robuste, avec des questions imprévisibles, pourra nous montrer son vrai visage. Elle est capable de suivre un script, et de répéter des réponses préparées d'avance. Nous savons cela. Maintenant, nous devons savoir si elle sait se débrouiller par elle-même.»