Barack Obama, le premier président noir élu par les Américains, prenait le temps de savourer sa victoire historique mercredi mais était aussi confronté aux attentes du monde entier et à la tâche titanesque d'apporter le changement qu'il a tant promis.

Partout aux Etats-Unis, des scènes de liesse ont accueilli l'élection sans appel de Barack Obama, qui a obtenu 349 mandats de grands électeurs contre 163 pour son adversaire républicain John McCain, selon des résultats non encore définitifs, alors qu'il en fallait 270 pour être élu.

M. Obama peut aussi se targuer d'avoir obtenu la majorité du vote populaire, avec 52% des voix au niveau national contre 46% pour son adversaire républicain John McCain. C'est la première fois qu'un démocrate remporte la majorité absolue du vote populaire depuis Jimmy Carter en 1976 et M. Obama le fait avec le meilleur score depuis Lyndon Johnson en 1964.

La presse américaine unanime saluait, à l'image du Wall Street Journal, le fait qu'un Noir ait atteint «le sommet du pouvoir aux Etats-Unis, seulement deux générations après la fin» des lois sur la ségrégation. «Obama fait l'Histoire», titrait le Washington Post.

Les éditions spéciales des grands journaux ont été prises d'assaut et le Washington Post, tout comme le New York Times ou le Chicago Tribune ont dû réimprimer des centaines de milliers de copies.

Les Américains étaient aussi appelés à renouveler un tiers du Sénat et la totalité de la Chambre des représentants. Selon des résultats partiels, les démocrates auraient remporté 56 sièges sur 100 au Sénat et ont conforté leur majorité à la Chambre des représentants.

Le président Bush, à qui Barack Obama succèdera dans le bureau ovale le 20 janvier, l'a assuré mercredi de la «coopération complète» de son administration dans cette délicate période de transition. M. Bush a rendu hommage à M. Obama, saluant sa victoire «impressionnante».

La secrétaire d'Etat Condoleezza Rice, rayonnante, a dit qu'elle était fière que les Etats-Unis aient élu leur premier président noir.

M. Obama a passé la journée avec son épouse Michelle et ses deux filles Malia et Sasha. Mme Obama a eu un entretien téléphonique avec Laura Bush: elles ont discuté «de l'honneur et du privilège» entourant le rôle de Première dame, selon le service de presse de la future First Lady.

L'attention s'est tournée mercredi vers la formation de son cabinet. Le représentant démocrate de l'Illinois Rahm Emanuel, vétéran de l'administration Clinton, envisage d'accepter le poste de secrétaire général de la Maison Blanche, selon un haut responsable démocrate. Les observateurs s'attendent aussi à un choix rapide du secrétaire au Trésor et du secrétaire à la Défense, également cruciaux.

L'administration Bush a laissé la porte ouverte à une participation de M. Obama au sommet du G20 sur la crise financière prévu le 15 novembre à Washington. Selon un haut responsable, le sommet pourrait déboucher sur «un plan d'action» à court terme des pays industrialisés et émergents.

Dès son discours mardi soir à Chicago, Barack Obama ne cachait pas «l'immensité de la tâche» à venir, au moment où les Etats-Unis traversent leur plus grave crise financière depuis 1929.

La récession menace, le chômage atteint déjà 6,1% de la population active tandis que le déficit public pourrait dépasser les 1.000 milliards sur l'année en cours. Le pays est aussi engagé dans des conflits qui s'éternisent en Irak et en Afghanistan.

«La route sera longue. Le chemin sera escarpé. Nous n'atteindrons peut-être pas notre but en un an ou même en un mandat», a souligné M. Obama dans son discours. Il s'est engagé à baisser les impôts pour 95% des salariés, à de grands travaux d'infrastructures (ponts, télécommunications, énergies renouvelables) et à garantir une couverture santé pour tous.

Sur le plan international, il a promis de retirer les soldats américains d'Irak «de façon responsable» dans un délai de 16 mois et de concentrer les efforts à la lutte contre Al-Qaïda et les talibans. Les services de renseignement américains tiendront jeudi une rencontre avec Barack Obama pour commencer à lui fournir des informations hautement confidentielles, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier.

L'organisation des droits de l'Homme Amnesty International lui a donné 100 jours pour «réparer les dégâts causés» par la présidence Bush, l'appelant notamment à fermer le centre de détention de Guantanamo.

Sa victoire a été saluée à travers le monde comme un signe de «changement et d'espérance» par les alliés traditionnels de Washington mais aussi dans le camp le plus hostile à l'hégémonie américaine. Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a espéré un «partenariat renouvelé entre l'ONU et les Etats-Unis» et un «nouveau multilatéralisme».

Au milieu du concert de félicitations, cependant, le président russe Dmitri Medvedev, dans sa première adresse annuelle à la Nation, a accusé Washington d'être à l'origine de la crise financière internationale et de la guerre en Géorgie, et a annoncé le déploiement de missiles à Kaliningrad en réponse au bouclier antimissile américain.

Le climat sur les marchés était tout aussi morose: les Bourses européennes ont terminé en baisse et Wall Street a plongé après de mauvais chiffres pour l'emploi dans le secteur privé en octobre, le Dow Jones abandonnant 5,05%.