Antimonarchistes et ultra-séparatistes ont évidemment hurlé leur message. Mais ils n'étaient pas les seuls. Toute la journée d'mardi, le prince Charles et la duchesse Camilla ont attiré des revendicateurs sur leur passage. Des plus bruyants jusqu'aux plus improbables, plusieurs ont cherché à profiter de la présence du couple princier - et de la cour de caméras dans leur sillage - pour faire valoir leur cause.

La première étape de la demi-journée du couple à Montréal - une rencontre à l'heure du midi avec le premier ministre Jean Charest, à ses bureaux de l'avenue McGill College - a attiré quelque 200 personnes. Jean Charest et sa femme, Michelle Dionne, ont remis à leurs visiteurs un coffret de 11 films québécois, dont La grande séduction, C.R.A.Z.Y., Polytechnique et Le Déclin de l'empire américain.

«Êtes-vous allée magasiner? J'espère ne pas avoir gâché votre journée», a demandé le prince de Galles à Dorothy Salomon, qui était accompagnée de sa fille Caralee et sa petite-fille, Sydney. «Oh non! Vous avez égayé ma journée!» a répondu la dame, ravie, qui s'était arrêtée par hasard devant l'attroupement.

Dans la foule de curieux et d'admirateurs, solidement encadrée par des policiers, se trouvait un seul manifestant. Daniel Roy, avec son drapeau fleurdelisé et sa pancarte «À bas la monarchie», s'était stratégiquement placé sur le passage du cortège. «Le prince représente une nation qui nous a assimilés et exploités, disait-il à ceux qui voulaient l'entendre. La reine a accepté le rapatriement de la Constitution en 1982 sans le consentement du Québec. C'est un affront.»

Du cirque au Biodôme

Aux locaux du Cirque du Soleil, sa deuxième étape, le couple royal a assisté à une brève performance et s'est entretenu avec les artistes. La duchesse Camilla n'a cependant pas suivi son mari au Biodôme. Le maire Gérald Tremblay a donc accueilli le prince Charles seul.

Le prince a serré quelques mains, mais pas la nageoire de la mascotte du groupe People for the Ethical Treatment of Animals (PETA), qui était trop loin de la scène. Pourtant, le phoque ne voulait aucun mal au prince Charles. Au contraire, dit Darrel Bertrand. «Nous voulons simplement remercier le prince Charles et l'Europe de s'opposer à la chasse au phoque.»

Non loin de la mascotte, une chorale un peu particulière a entonné une version modifiée du God Save The Queen. «Nous ne serons pas libres tant que l'Empire existe», ont fredonné cinq militants... antimonarchistes ? Oui, mais surtout des membres du Mouvement Larouche, du nom de cet Américain, Lyndon Larouche, qui prône l'établissement d'un «nouveau système financier», dit Pascal Chevrier.

Cagoules et uniformes

Au Biodôme, le prince a rapidement parcouru la forêt tropicale puis la zone arctique, où il a discuté de changements climatiques avec des spécialistes sous le regard des manchots. Avant même qu'il ait terminé sa visite, une foule de manifestants s'était rassemblée à l'intersection des rues de Bleury et du Président-Kennedy, devant la caserne du régiment Black Watch.

Dans la foule, un peu à l'écart, trois ou quatre manifestants affublés d'un nez de clown ou d'un boa rouge détonnaient.

«Le maire de Montréal veut détruire le Red Light et le café Cléopâtre. On veut que le prince Charles sauve notre reine!» ont expliqué Velma Candyass et Domenic Castelli. Le célèbre cabaret de travestis doit être exproprié pour la construction du Quartier des spectacles. «Si le maire Tremblay ne veut pas nous aider, on va demander au prince Charles!»

Celui-ci est arrivé avec 45 minutes de retard, le temps que les policiers antiémeute dégagent la rue de Bleury. Vêtu du kilt officiel du régiment, le prince de Galles, colonel en chef des Black Watch, a passé les troupes en revue avant de s'adresser aux invités. «Je voudrais m'excuser pour le retard, a-t-il dit. J'ai eu l'impression qu'il y avait quelque perturbation locale.»

Dans son discours, dont une partie était en français, le prince Charles s'est dit honoré de présenter à son régiment de nouveaux drapeaux consacrés. Il a aussi loué le rôle des familles des soldats. «Deux de mes fils ont servi dans les Forces armées, et l'un d'eux a été envoyé en Afghanistan. Je ne connais que trop bien l'anxiété qui imprègne votre vie quand un proche est en situation de danger, particulièrement lors d'un déploiement outre-mer.»

Le couple princier a quitté la caserne peu après 20 h pour Ottawa. Aujourd'hui, il doit participer aux cérémonies du jour du Souvenir dans la capitale et visiter la base des Forces armées de Petawawa, avant d'assister à une réception de la gouverneure générale à Rideau Hall, en soirée. La visite officielle se terminera demain.