Plusieurs talents ont surgi cette année. Nous vous présentons neuf de ces nouveaux visages d'ici le 30 décembre. Aujourd'hui: l'auteure-compositrice et interprète Salomé Leclerc, native de Sainte-Françoise-de-Lotbinière, un village de 468 habitants. Exactement 468 âmes et, tout autour, de grandes forêts, de grands champs. Bref, de la proximité et de l'espace en même temps. C'est cet étrange almagame qui a sans doute inspiré la jeune femme de 25 ans, dont le premier album, Sous les arbres, est imprégné de nature et de relations humaines.

Salomé Leclerc a 25 ans, mais aussi un caractère bien trempé, une guitare très percussive (adolescente, elle accompagnait ses frères à la batterie), une voix délicieusement rauque et un brin sauvage, enfin une plume très cinématographique, peut-être née lors de ses études en production télévisuelle à Jonquière, peaufinée ensuite à l'école nationale de la chanson de Granby, en 2009. «La semaine, j'étudiais la chanson à Granby. La fin de semaine, je venais à Montréal pour faire du montage et filmer pour une boîte de casting», dit-elle.

Tout ça pour dire que l'étonnante Salomé a pris son temps pour concevoir un premier album qualifié d'abouti, de mature, à des années-lumière des amours adolescentes qui abondent généralement sur les premiers disques de jeunes femmes. Tout ça pour dire aussi que, dès 2007, son aplomb et ses dons ont touché Michel Séguin, agent de Pierre Lapointe, tant et si bien qu'il est devenu aussi l'agent de Salomé. Est-ce qu'on mentionne tout de suite que, pour son disque Sous les arbres, l'auteure-compositrice a fait appel à la chanteuse française Émilie Loizeau (pour la réalisation) et au chevronné réalisateur-ingénieur de son montréalais Howard Bilerman (pour la postproduction)? Est-ce qu'on ajoute que Salomé Leclerc a gagné de nombreux prix? Est-ce qu'on ne devrait pas plutôt insister sur le fait que plusieurs arrangements, sur l'album, sont de son cru et qu'ils ont donné le ton à ce premier disque solide?

«J'ai failli entrer en studio un an plus tôt, explique posément la jeune femme. Mais, finalement, ça n'a pas été possible avant mars 2011. Ce retard a tout changé. Ça m'a permis de pousser plus loin les textes, les musiques, mais aussi d'apprendre l'attente, la patience... Disons que, lorsque je suis arrivée en studio avec Émilie Loizeau et ses musiciens pour 12 jours d'enregistrement, j'avais une ligne directrice assez foncée!»

Le trombone, par exemple, elle y tenait. «C'est un instrument qui me parle, très apaisant et mélancolique à la fois. En spectacle, on joue en trio, moi à la guitare, plus un bassiste et un tromboniste», précise-t-elle.

Chansons au «je»

Le labeur soutenu en France n'a pas empêché Salomé de retravailler son album avec l'aide d'Howard Bilerman (Arcade Fire, Coeur de pirate, Godspeed You! Black Emperor, etc.), justement parce qu'elle n'entendait pas exactement ce qu'elle voulait entendre. «Ça donne, par exemple, les percussions sur la chanson Tourne encore, où Howard et moi avons fini par taper tous les deux sur un «snare» (la caisse claire d'une batterie) comme des malades», dit-elle en riant.

Ça donne également la chanson Dans la prairie, avec son histoire de bouleau qui a survécu à tout, seul rescapé d'une forêt. «Elle m'a été inspirée par ma grand-mère. La plupart des chansons sont au «je» sur l'album, mais je parle souvent de choses vécues par mes proches. Et c'est vrai qu'il y est beaucoup question d'arbres, de saisons, d'éléments naturels. Il y en avait beaucoup plus dans mes premières chansons, j'en ai enlevé énormément, souligne-t-elle. Mais j'ai une manière de champ lexical, comme un espèce de petit cocon de mots dans lequel je suis bien.»

Au cours des trois dernières années, Salomé Leclerc a aussi donné beaucoup de spectacles, souvent seule. Que ce soit aux FrancoFolies de Montréal, à Tadoussac, en France, au bar Verre bouteille de Montréal ou au Festival de musique émergente d'Abitibi-Témiscamingue, elle prend de l'aisance.

C'est d'ailleurs à Rouyn que le journaliste du magazine français Les Inrocks l'a entendue et a été séduit par sa musique. Quand on lui parle des Inrocks, Salomé relativise avec humour la chose: «Il y a eu un orage terrible, un vrai déluge. J'ai gagné beaucoup de public grâce au temps qu'il faisait. Tout le monde est entré dans le bar où je jouais pour se protéger de la pluie!» Peut-être. Mais Salomé Leclerc les y a retenus. Une fois de plus, la nature et la proximité l'ont aidée.

Salomé Leclerc est en spectacle le 2 février au Petit Champlain, à Québec.

Photo André Pichette, La Presse

Salomé Leclerc.